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LA PRINCESSE

Fanfarinet avait beaucoup d’esprit ; mais quand il vit la belle Printanière avec tant de grâces et de majesté, il demeura si ravi, qu’au lieu de parler, il ne faisait plus que bégayer ; l’on aurait dit qu’il était ivre, quoiqu’il n’eût pris qu’une tasse de chocolat : il se désespérait d’avoir oublié en un clin d’œil une harangue qu’il répétait tous les jours depuis plusieurs mois, et qu’il savait assez bien pour la dire en dormant.

Pendant qu’il donnait la question à sa mémoire pour la recouvrer, il faisait de profondes révérences à la princesse, qui de son côté en fit une demi-douzaine sans aucune réflexion. Enfin elle prit la parole, et pour le tirer de l’embarras où elle le voyait, elle lui dit : « Seigneur Fanfarinet, je connais sans peine que tout ce que vous pensez est charmant, je vous tiens compte d’avoir tant d’esprit ; mais hâtons-nous de gagner le palais, il pleut à verse, c’est la méchante Carabosse qui nous inonde ; quand nous serons à couvert, elle en sera la dupe. » Il lui répliqua galamment, que la fée avait sagement prévu l’incendie que ses beaux yeux allaient faire, et que pour le tempérer, elle répandait des déluges d’eau.

Après ce peu de mots, il lui présenta la main pour lui aider à marcher. Elle lui dit tout bas : « J’ai pour vous des sentimens que vous ne devineriez jamais, si je ne vous les expliquais moi-même ; cela ne laisse pas de me faire de la peine ; mais honny soit qui mal y pense. Sachez donc, monsieur l’ambassadeur, que je