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ET PERCINET.

nait que Grognon était la plus laide de toutes les femmes, et que celle qui était peinte dans sa boîte était la plus belle de toutes les filles. En même temps il court contre les six chevaliers ; qu’il jette par terre : il s’en présente six autres, et jusqu’à vingt-quatre, qu’il abattit tous ; puis il ouvrit sa boîte, et il leur dit que pour les consoler il allait leur montrer ce beau portrait. Chacun le reconnut, pour être celui de la princesse Gracieuse. Il lui fit une profonde révérence, etse retira sans avoir voulu dire son nom ; mais elle ne douta point que ce ne fût Percinet.

La colère pensa suffoquer Grognon : la gorge lui enfla ; elle ne pouvait prononcer une parole. Elle faisait signe que c’était à Gracieuse qu’elle en voulait ; et quand elle put s’en expliquer, elle se mit à faire une vie de désespérée. « Comment, disait-elle, oser me disputer le prix de la beauté ! faire recevoir un tel affront à mes chevaliers ! Non, je ne puis le souffrir, il faut que je me venge ou que je meure. — Ma dame, lui dit la princesse, je vous proteste que je n’ai aucune part à ce qui vient d’arriver : je signerai de mon sang, si vous voulez, que vous êtes la plus belle personne du monde, et que je suis un monstre de laideur. — Ah ! vous plaisantez, ma petite mignonne ! répliqua Grognon ; mais j’aurai mon tour avant peu. » L’on alla dire au roi les fureurs de sa femme et que la princesse mourait de peur ; qu’elle le suppliait d’avoir pitié d’elle, parce que s’il l’abandon-