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LE MOUTON.

lui dis-je (c’est le nom de la fée). Serait-ce bien par vos ordres ? Hé, par l’ordre de qui donc ? répliqua-t-elle. N’as-tu point connu jusqu’à présent mes sentimens ? Faut-il que j’aie la honte de m’en expliquer ? Mes yeux, autrefois si sûrs de leurs coups, ont-ils perdu tout leur pouvoir ? Considère où je m’abaisse, c’est moi qui te fais l’aveu de ma faiblesse, car encore que tu sois un grand roi, tu es moins qu’une fourmi devant une fée comme moi.

» Je suis tout ce qu’il vous plaira, lui dis-je, d’un air et d’un ton impatient ; mais enfin, que me demandez-vous ? Est-ce ma couronne, mes villes, mes trésors ? Ha ! malheureux, reprit-elle dédaigneusement, mes marmitons, quand je voudrai, seront plus puissans que toi ; je demande ton cœur, mes yeux te l’ont demandé mille et mille fois ; tu ne les a pas entendus, ou, pour mieux dire, tu n’as pas voulu les entendre ; si tu étais engagé avec une autre, continua-t-elle, je te laisserais faire des progrès dans tes amours ; mais j’ai eu trop d’intérêt à t’éclairer, pour n’avoir pas découvert l’indifférence qui règne dans ton cœur. Hé bien, aime-moi, ajouta-t-elle, en serrant la bouche pour l’avoir plus agréable, et roulant les yeux, je serai ta petite Ragotte, j’ajouterai vingt royaumes à celui que tu possèdes, cent tours pleines d’or, cinq cents pleines d’argent ; en un mot tout ce que tu voudras.

» Madame Ragotte, lui dis-je, ce n’est point dans le fond d’un trou où j’ai pensé être rôti, que je veux faire une déclaration à une personne