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GRACIEUSE

viens là-dessus d’une maxime, continua-t-elle, qui m’agrée fort :


Ne faites point de confidence ;
Et soyez sûr que le silence
À pour moi des charmes puissans ;
Le monde a d’étranges maximes ;
Les plaisirs les plus innocens
Passent quelquefois pour des crimes.


Il lui demanda pardon d’avoir fait une chose qui lui avait déplu. L’opéra finit, et la reine l’envoya conduire dans son appartement par les deux princesses. Il n’a jamais été rien de plus magnifique que les meubles, ni de si galant que le lit et la chambré où elle devait coucher. Elle fut servie par vingt-quatre filles vêtues en nymphes : la plus vieille avait dix huit ans, et chacune paraissait un miracle de beauté. Quand on l’eut mise au lit, on commença une musique ravissante pour l’endormir, mais elle était si surprise, qu’elle ne pouvait fermer les yeux. « Tout ce que j’ai vu, disait-elle, sont des enchantemens. Qu’un prince si aimable et si habile est à redouter ! Je ne peux m’éloigner trop tôt de ces lieux. » Cet éloignement lui faisait beaucoup de peine : quitter un palais si magnifique pour se mettre entre les mains de la barbare Grognon, la différence était grande : on hésiterait à moins. D’ailleurs elle trouvait Percinet si engageant, qu’elle ne voulait pas demeurer dans un palais dont il était le maître.

Lorsqu’elle fut levée on lui présenta des robes de toutes les couleurs, des garnitures de