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LE NAIN

coqs-d’Inde parurent aux côtés du mauvais nain, comme deux géans plus hauts que des montagnes, qui jetaient le feu par la bouche et par les yeux avec une telle abondance, que l’on eût cru que c’était une fournaise ardente. Toutes ces choses n’auraient point été capables d’effrayer le cœur magnanime du jeune monarque ; il marquait une intrépidité dans ses regards et dans ses actions, qui rassurait tous ceux qui s’intéressaient à sa conservation, et qui embarrassait peut-être bien le Nain Jaune ; mais son courage ne fut pas à l’épreuve de l’état où il aperçut sa chère princesse, lorsqu’il vit la fée du Désert coiffée en Tisiphone, sa tête couverte de longs serpens, montée sur un griffon ailé, armée d’une lance dont elle la frappa si rudement qu’elle la fit tomber entre les bras de la reine, toute baignée de son sang. Cette tendre mère, plus blessée du coup que sa fille ne l’avait été, poussa des cris, et fit des plaintes que l’on ne peut représenter. Le roi perdit alors son courage et sa raison ; il abandonna le combat, et courut vers la princesse pour la secourir ou pour expirer avec elle ; mais le Nain Jaune ne lui laissa pas le temps de s’en approcher, il s’élança avec son chat espagnol dans le balcon où elle était ; il l’arracha des mains de la reine et de celles de toutes ses dames, puis sautant sur le toit du palais, il disparut avec sa proie.

Le roi confus et immobile, regardait avec le dernier désespoir une aventure si extraordinaire et à laquelle il était assez malheureux de ne