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VERT.

bien la hardiesse de me soutenir que c’est vous qui avez tissu ces filets ? Je n’ai aucuns amis à votre cour, madame, lui dit la reine, et quand j’y en aurais, je suis si bien enfermée, qu’il serait difficile qu’on me pût parler sans votre permission. — Puisque vous êtes si habile et si adroite, dit Magotine, vous me serez fort utile dans mon royaume. »

Elle ordonna aussitôt que l’on appareillât ses vaisseaux, et que toutes les marionnettes fussent prêtes à partir ; elle fit attacher la reine avec de grosses chaînes de fer, crainte que par quelque mouvement de désespoir, elle ne se jetât dans la mer. Cette princesse infortunée déplorait pendant une nuit sa triste destinée, lorsqu’elle aperçut, à la clarté des étoiles, Serpentin Vert, qui s’approchait doucement du vaisseau. « Je crains toujours de vous faire peur, lui dit-il, et malgré les raisons que j’ai de ne vous point ménager, vous m’êtes infiniment chère. — Pouvez-vous me pardonner mon indiscrète curiosité ? répliqua-t-elle ; et puis-je vous dire, sans vous déplaire :

Est-ce vous, Serpentin ? cher amant, est-ce vous ?
Puis-je revoir l’objet pour qui mon cœur soupire ?
Quoi ! je puis vous revoir, mon cher et tendre époux ?
Ô ciel ! que j’ai souffert un rigoureux martyre !
Que j’ai souffert, hélas !
En ne vous voyant pas !

Serpentin répliqua par ces vers :

Que les douleurs de l’absence
Troublent les cours amoureux !
Dans le royaume affreux
Où les dieux irrités exercent leur vengeance ;