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BIENFAISANTE.

rien ; mais malheureusement je l’avais laissé dans le marécage, quand ce maudit corbeau est venu fondre sur moi. J’avoue, madame, que sans vous je ne serais plus ; et puisque je vous dois la vie, si je peux quelque chose pour le soulagement de la vôtre, vous pouvez m’ordonner tout ce qu’il vous plaira. — Hélas ! ma chère grenouille, dit la reine, la mauvaise fée qui me retient captive, veut que je lui fasse un pâté de mouches ; il n’y en a point ici ; quand il y en aurait, on n’y voit pas assez clair pour les attraper ; et je cours grand risque de mourir sous ses coups. — Laissez-moi faire, dit la grenouille, ayant qu’il soit peu je vous en fournirai. » Elle se frotta aussitôt de sucre, et plus de six mille grenouilles de ses amies en firent autant : elle fut ensuite dans un endroit rempli de mouches ; la méchante fée en avait là un magasin, exprès pour tourmenter de certains malheureux. Dès qu’elles sentirent le sucre, elles s’y attachèrent, et les officieuses grenouilles revinrent au grand galop où la reine était. Il n’a jamais été une telle capture de mouches, ni un meilleur pâté que celui qu’elle fit à la fée Lionne. Quand elle le lui présenta, elle en fut très-surprise, ne comprenant point par quelle adresse elle avait pu les attraper.

La reine étant exposée à toutes les intempéries de l’air, qui était empoisonné, coupa quelques cyprès pour commencer à bâtir sa maisonnette. La grenouille vint lui offrir généreusement ses services, et se mettant à la tête de