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LA GRENOUILLE

rigoureuse catastrophe : voici donc une feuille de rose, en soufflant dessus, j’en fais un cheval rare, comme vous allez voir. » Il parut aussitôt un cheval tout vert ; il avait douze pieds et trois têtes, l’une jetait du feu, l’autre des bombes, et l’autre des boulets de canon. Elle lui donna une épée qui avait dix-huit aunes de long, et qui était plus légère qu’une plume ; elle le revêtit d’un seul diamant, dans lequel il entra comme dans un habit ; et bien qu’il fût plus dur qu’un rocher, il était si maniable qu’il ne le gênait en rien : « Partez, lui dit-elle, courez, volez à la défense de ce que vous aimez ; le cheval vert que je vous donne vous menera où elle est ; quand vous l’aurez délivrée, faites-lui entendre la part que j’y ai.

— Généreuse fée, s’écria le prince, je ne puis à présent vous témoigner toute ma reconnaissance ; mais je me déclare pour jamais votre esclave très-fidèle. » Il monta sur le cheval aux trois têtes ; aussitôt il se mit à galopper avec ses douze pieds, et faisait plus de diligence que trois des meilleurs chevaux, de sorte qu’il arriva en peu de temps au haut de la montagne, où il vit sa chère princesse toute seule et l’affreux dragon qui s’en approchait lentement. Le cheval vert se mit à jeter du feu, des bombes et des boulets de canon, qui ne surprirent pas médiocrement le monstre ; il reçut vingt coups de ces boulets dans la gorge, qui entamèrent un peu les écailles, et les bombes lui crevèrent un œil. Il devint furieux, et voulut se jeter