Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/588

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n’ai acquis qu’avec beaucoup de peine.

— Quoi ! répliqua le roi, vous voulez continuer à tenir hôtellerie ?

— Non, dit-elle, vous me ferez quelque bien pour vivre.

— Souffrez au moins, ajouta-t-il, que je vous donne un équipage et des officiers.

— Je vous en rends grâce, dit-elle, quand je suis seule je n’ai point d’ennemis qui me tourmentent, mais si j’avais des domestiques, je craindrais d’en trouver en eux. » Le roi admira l’esprit et la modération d’une femme qui pensait et parlait comme un philosophe.

Pendant qu’il pressait sa belle-mère de venir avec lui, l’amirale Rousse faisait cacher au fond de son chariot tous les beaux bassins et les vases d’or du buffet, voulant en profiter sans rien laisser. Mais la fée qui voyait tout, bien que personne ne la vît, les changea en cruches de terre. Lorsqu’elle fut arrivée et qu’elle voulut les emporter dans son cabinet, elle ne trouva rien qui en valût la peine.

Le roi et la reine embrassèrent tendrement la sage princesse, et l’assurèrent qu’elle pourrait disposer à sa volonté de tout ce qu’ils avaient : ils quittèrent le séjour champêtre et vinrent à la ville, précédés des trompettes, des hautbois, des timbales et des tambours, qui se faisaient entendre de bien loin. Les confidents de la reine mère lui avaient conseillé de cacher sa mauvaise humeur parce que le roi s’en offenserait, et que cela pourrait avoir des suites fâcheuses : elle se contraignit donc, et ne fit paraître que de l’amitié à ses deux belles-filles, leur donnant