Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/590

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fils lui confiait sa femme, lui promit de ne songer qu’à sa conservation, et l’assura qu’il pouvait partir avec un entier repos d’esprit. Ainsi il s’en alla dans une si forte envie de revenir bientôt, qu’il hasardait ses troupes en toutes rencontres ; et son bonheur faisait que sa témérité lui réussissait toujours ; mais encore qu’il avançât fort ses affaires, la reine accoucha avant son retour. La princesse sa sœur eut le même jour un beau garçon. Elle mourut aussitôt.

L’amirale Rousse était fort occupée des moyens de nuire à la jeune reine quand elle lui vit des enfants si jolis et qu’elle n’en avait point, sa fureur augmenta : elle prit la résolution de parler promptement à la reine mère, car il n’y avait pas de temps à perdre : « Madame, lui dit-elle, je suis si touchée de l’honneur que Votre Majesté m’a fait en me donnant quelque part dans ses bonnes grâces, que je me dépouille volontiers de mes propres intérêts pour ménager les vôtres ; je comprends tous les déplaisirs dont vous êtes accablée depuis les indignes mariages du roi et du prince. Voilà quatre enfants qui vont éterniser la faute qu’ils ont commise, notre pauvre mère est une pauvre villageoise qui n’avait pas de pain quand elle s’est avisée de devenir fricasseuse. Croyez-moi, madame, faisons une fricassée aussi de tous ces petits marmots, et les ôtons du monde avant qu’ils vous fassent rougir. – Ha ! ma chère amirale, dit la reine en l’embrassant, que je t’aime d’être si équitable, et de partager comme tu fais mes justes déplaisirs !