Page:Austen - Emma.djvu/5

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fait venir ici pour travailler, j’ai remarqué qu’elle ouvrait toujours la porte avec précaution et qu’elle prenait soin de la soutenir en la fermant. Ce sera une consolation pour cette pauvre Mlle Taylor d’avoir auprès d’elle un visage familier. Chaque fois que James ira voir sa fille, il donnera de nos nouvelles.

Emma s’efforça d’entretenir ce courant d’idées plus gaies et espéra qu’avec l’aide du jacquet elle parviendrait à faire franchir heureusement à son père le cap de la soirée. On apporta la table, mais à ce moment un visiteur fut introduit et la rendit inutile.

M. Knightley était un homme de trente-sept ans, le frère aîné du mari d’Isabelle et en même temps un très ancien et intime ami de la famille. Il habitait à une demi-lieue d’Hartfield où il venait souvent et où il était toujours le bienvenu ; ce soir là, il fut particulièrement fêté car il arrivait de Londres et venait de faire une visite à leurs parents communs. C’était une heureuse diversion qui tint M. Woodhouse de bonne humeur pendant quelque temps ; après avoir obtenu tous les renseignements possibles sur la santé de sa fille et de ses petits-enfants, M. Woodhouse ajouta avec reconnaissance :

— C’est bien aimable à vous, M. Knightley, d’être sorti à cette heure tardive pour nous faire une visite et d’avoir bravé l’obscurité et le froid.

— Je puis vous assurer, Monsieur, qu’il y a un magnifique clair de lune et le temps est si doux qu’il faut que je m’éloigne de votre grand feu.

— Mais la route doit être détrempée.

— Regardez mes bottines : vous voyez ! Il n’y a pas une tache de boue.

— C’est étonnant, car, ici, la pluie n’a cessé de tomber. J’avais même proposé de remettre le mariage.

— À propos, je ne vous ai pas encore offert mes félicitations ; du reste, je me rends compte du