Page:Azaïs - Jugement philosophique sur J.J. Rousseau et sur Voltaire.djvu/23

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heur, il regretta de n’être point resté dans la condition obscure ; s’il avait pu alors composer à son gré ses rapports et sa destinée, il se serait entouré d’enfans, d’hommes simples, et d’innocens plaisirs.

J.-J. Rousseau était homme de génie. Ce titre appartient aux hommes qui, réunissant la vivacité de l’imagination à la force de méditation, conçoivent des pensées très-étendues, les soumettent à un principe, les poursuivent dans leurs détails, et ne savent s’occuper que de choses grandes et importantes. Le génie est nécessaire pour découvrir les vérités fortes ; mais il ne suffit pas ; il faut encore que l’âme douée de génie, soit éclairée et habituellement paisible ; si le savoir lui manque, l’imagination supplée, c’est elle qui fournit alors les matériaux au jugement ; et elle les fournit ordinairement avec trop d’abondance ; le jugement compose des pensées brillantes, bien assorties, mais qui ne représentent point la vérité. Si l’âme est agitée, elle est habituellement livrée à des mouvemens impétueux, elle porte, sans le savoir, ou du moins sans pouvoir s’en défendre, ses passions dans la recherche de la vérité ; elle suit dans cette recherche la direc-