Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 2.djvu/56

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Si nous connaissions l’histoire et la vie des quatre siècles qui s’écoulèrent entre Homère et Hérodote, il est probable que nous apparaîtraient aussitôt dans le texte actuel des Poésies nombre d’allusions ou d’anachronismes, qui nous dénonceraient les malfaçons des rhapsodes. Mais nous ne savons presque rien des deux Grèces d’Europe et d’Asie à cette époque, et nous savons moins encore de cette périphérie panhellénique qui, de Marseille à Naucratis et de Trébizonde à Syracuse, appela chez elle tant d’aèdes et de rhapsodes et, les payant d’une main généreuse, voulut en avoir, elle aussi, pour son argent ?

Et que savons-nous de la vie quotidienne de ces récitants, de leurs voyages, séjours et représentations, de leur existence à bord des lents bateaux, durant les longues heures de calme et les courtes escales ?… et des rencontres de circonstance ?… et des demandes d’un équipage qui voulait être distrait ?… et des exigences d’un auditoire rustique, qui, pas plus que ces marins, n’avait d’autre désir qu’une heure de passe-temps et de rire !… Le trouvère devenait facilement un jongleur et le métier de rhapsode, comme aujourd’hui celui d’acteur, comportait les aventures et les risques, en même temps que les fortunes les plus étranges.