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WOZZECK

le docteur par son habit). Monsieur le docteur, les chevaux me font beaucoup de peine quand je pense que les pauvres bêtes doivent aller à pied. Ne courez pas ainsi, monsieur Clou de cercueil ! Ne fendez pas ainsi l’air avec votre canne ! Vous usez vos jambes à courir sur le pavé. (Il le retient.) Permettez-moi de sauver la vie à un homme.

Le docteur. — Une femme, morte en quatre semaines, cancer uteri. J’ai déjà eu vingt patients de cette espèce — en quatre semaines.

Le capitaine. — Docteur ! ne m’effrayez pas ! Il y a des gens qui sont déjà morts de peur, tout simplement de peur !

Le docteur. — En quatre semaines. — Cela me fournira une intéressante préparation anatomique.

Le capitaine. — Oh ! oh !

Le docteur. — Et vous-même ! Hum ! bouffi, gras, encolure épaisse, constitution apoplectique ! Oui, monsieur le capitaine, vous pouvez attraper une apoplexia cerebri, mais il se peut que ce ne soit que d’un côté. Oui, vous pouvez ne devenir paralysé que d’un côté, ou, dans le cas le plus heureux, seulement aux extrémités.

Le capitaine. — Au nom de Dieu…

Le docteur. — Oui ! voilà ce à quoi vous pouvez vous attendre d’ici à quatre semaines. Je puis d’ailleurs vous assurer que vous fournirez un cas des plus intéressants, et si Dieu veut que votre langue se paralyse en partie, nous ferons alors des expériences vraiment immortelles. (Il veut s’en aller.)

Le capitaine. — Halte, docteur ! Je ne vous quitte pas ! Clou de cercueil ! Ami des morts ! dans quatre semaines ? — Il y a des gens qui simplement par peur… Docteur ! Je vois déjà les gens avec des citrons en mains, et disant : c’était un brave homme (ému), un brave homme…