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WOZZECK

AUBERGE
Soir, Fenêtre ouverte. Danse. Garçons. Soldats. Servantes.
Bancs devant la maison.

Premier ouvrier (chante).

J’ai une chemise qui ne m’appartient pas……
Mon âme pue l’eau-de-vie !

Second ouvrier. — Ne m’oublie pas ! Amitié ! Frère, dois-je par amitié te faire un trou dans la carcasse ? Frère ! je veux te faire un trou dans la carcasse, je veux te tuer toutes tes puces sur le corps. Frère, moi aussi je suis un gaillard, tu sais.

Premier ouvrier. — Mon âme, mon âme immortelle pue l’eau-de-vie ! Elle pue, et je ne sais pas pourquoi. Quel est le but du monde ! L’argent même entre en décomposition. Que le diable emporte le bon Dieu ! Frère, je finirai par pleurnicher plein un tonneau !

Second ouvrier. — Ne m’oublie pas ! Pourquoi le monde est-il si beau ? — Je voudrais que nos nez fussent deux bouteilles et que nous pussions nous les verser réciproquement dans le gosier. Toute la terre est rose. De l’eau-de-vie, c’est ce qu’on appelle vivre !

Premier ouvrier. — Mon âme pue, oh !Je me fais obstacle à moi-même, et il faut que je m’enjambe ! C’est triste !

(Wozzeck se place à la fenêtre et regarde à l’intérieur. Marie et le tambour-major passent devant lui en dansant, sans le remarquer.

Wozzeck. — Lui ! Elle ! Mordieu !

Marie (passe en dansant). — Encore ! Encore !

Wozzeck. — Encore ! encore ! (Il se laisse tomber