Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/344

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Oberlin en le priant d’y ajouter quelques lignes. Voyez ces lettres[1].

En attendant, son état était devenu de plus en plus désespéré. Le calme que lui avaient procuré le voisinage d’Oberlin et le silence de la vallée avait disparu ; le monde dans lequel il avait voulu vivre avait une déchirure immense ; il ne ressentait ni haine, ni amour, ni espérance, — rien qu’un vide effroyable, et avec cela une impatience douloureuse de le remplir. Il ne ressentait rien. Ce qu’il faisait, il le faisait consciemment, et pourtant un instinct intérieur l’y poussait. Quand il était seul, la solitude lui pesait tellement, qu’il se parlait sans cesse à haute voix, criait, s’effrayait de nouveau, et qu’il lui semblait qu’une voix étrangère avait conversé avec lui. Il bégayait souvent en parlant, une anxiété indéfinissable s’emparait de lui, il avait perdu le fil de sa phrase ; alors il croyait devoir retenir le dernier mot et continuer à parler, et c’est seulement à l’aide d’un vigoureux effort qu’il étouffait cette envie. Ses hôtes étaient profondément attristés quand, dans ses moments de calme, alors qu’il était assis auprès d’eux et qu’il parlait tout naturellement, ils l’entendaient bientôt bre-

  1. Büchner a l’air de parler ici de lettres authentiques, et non fictives. Il semble que son dessein ait été de mêler à sa nouvelle des lettres de Lenz que l’on possédait alors ou qu’il s’était procurées, et dont la trace s’est depuis perdue. (Note du traducteur).