Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/178

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Or, c’était une chose étrange et sérieuse
         Que d’unir sans remord
Aux lèvres d’un mourant cette lèvre rieuse,
         Cette vie à la mort !

Je ne sais quel espoir passa sur ce délire
         Dans l’ombre enseveli,
Mais voilà ce que dit l’âme à la douce lyre,
         Au chaste front pâli :

Pourquoi douter ainsi de l’avenir immense
         Et rester abattu ?
Où l’homme voit finir son pouvoir, Dieu commence ;
         Il nous aime, vois-tu !

Il conserve à ta vie ardemment dépensée
         Le ciel de bien des jours,
Où s’épanouiront les fleurs de ta pensée
         Fidèle à nos amours.

— Oh ! dit-il, mots divins ! Amour et Poésie !
         Ineffable trésor !
Je vous ai savourés comme un flot d’ambroisie
         Dans une coupe d’or !

Comme j’aimais alors les bois et les prairies,
         Le ciel, tableau changeant,
Les oiseaux veloutés, les fleurs de pierreries,
         Les rivières d’argent !