Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/173

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Chénier et d’Auguste Barbier, superbe et d’une puissante énergie quand ces maîtres l’emploient, mais qui, en tant que rhythme, n’a qu’un tort, celui de ne pas exister.

Quant au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
Pauvres Chiens et Moutons : toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort.
Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine ;
Les vierges aux belles couleurs
Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,
Sans plus penser à lui, le mangent, s’il est tendre :
Dans cet abîme enseveli,
J’ai le même destin : je m’y devais attendre.
Accoutumons-nous à l’oubli.

André Chénier, Ïambes, II.

Est-il besoin d’insister, et de faire remarquer que nous avons là tout bonnement trois honnêtes strophes de quatre vers, réunies par un simple artifice typographique ? De telle sorte qu’au temps où les typographes n’avaient pas adopté l’usage de séparer les strophes par des blancs, le lecteur de ces Ïambes ne se serait pas même aperçu que le poëte avait prétendu faire autre chose que des strophes de quatre vers. Mon Contradicteur a bien envie de me dire que, dans le morceau d’André Chénier cité tout à l’heure, les huit derniers vers ne forment qu’une seule phrase, et que par