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Myrrhine.

Je te comprends.

Socrate.

Je te comprends. Dracès apprit de moi comment
Notre âme vers le beau s’élève, éperdûment,
Et se rend la vertu docile et familière.
Ô Myrrhine, à ton tour deviens son écolière !
Si buvant longuement aux flots inépuisés,
Il t’enseigna jadis la douceur des baisers,
Il t’apprendra le noble orgueil, la sainte joie
De saisir, d’embrasser le vrai comme une proie,
Et de sentir en soi le doute évanoui.
Vis avec lui ! Cherche avec lui ! Pense avec lui !
Ayant reçu de moi l’immortelle semence,
Il faut qu’il la transmette, et son labeur commence.
Donc, toi, Myrrhine, sourde à la vaine rumeur,
Sois la terre fertile où passe le semeur
Levant sa large main par le grain débordée,
Et de vous deux naîtra la moisson de l’idée.
Ô Myrrhine, c’est là le véritable hymen,
Et quand le laboureur s’approche, ouvrant sa main,
Écoute avec fierté grandir son pas sonore.
Ne le rebute pas lorsqu’il vient dès l’aurore,
Et garde que, chargé de ses dons les meilleurs,
Il ne porte la vie et la richesse ailleurs.
Tu le peux ! Ne parer que son corps est barbare ;
Donc, pour que ton mari ne suive que toi, pare
Aussi ton âme, alors il entendra ta voix.

Myrrhine.

Tu dis vrai ! Tu dis vrai ! Je le sens. Je le vois.
Grâce à toi, je comprends, en devenant meilleure,
Que toute la beauté n’est pas extérieure ;
Et tout ce qu’à ta suite il cherche en son ennui,