Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/201

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Puis il parla de la peinture ; il dit qu’elle a un relief que n’a pas la statuaire. Il évoqua l’immobilité incroyable des beaux portraits et le commandement jaloux de la figure peinte qui appelle les regards.

Il soupira : « Les artistes sont malheureux : ils ont tout à refaire. Tout dépend d’eux. Sait-on jamais ce que contient la parcelle de réalité qui se présente ? Il faut trop de clairvoyance pour cela. Oui, trop — une clairvoyance qui déborde en hallucination. Les grands sont hors nature : Rembrandt a des visions, comme Beethoven entend des voix. »

Ce nom le mit dans la musique.

Il dit que, bien que la musique ait atteint une perfection dont il n’y a pas d’autre exemple depuis que l’homme s’acharne à l’innombrable œuvre d’art — à cause du seul Beethoven — il existe néanmoins entre les arts une hiérarchie selon la part de pensée qu’ils embrassent ; que la littérature est pour cette raison au-dessus du reste : quelle que soit la quantité de chefs-d’œuvre actuellement réalisée, l’harmonie de la musique ne vaut pas la voix basse d’un livre.

— Anna, dit-il, quel est le plus poète, celui qui, dans la sonorité des belles phrases, traduit les belles images qui se présentent à nous, pressées, royales