Page:Barbusse - Pleureuses, 1920.djvu/50

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Je vois, pressés dans la pénombre,
Les cavaliers de cauchemar
Qui suivent le grand chef hagard
Brandissant la bannière d’ombre.

Spectre effaré, spectre du mal,
Roi morne, tu fuis d’épouvante
Dans le flot indécis que hante
La crinière de ton cheval !

Ils vont dans un galop suprême
Courbés devant ce que je fus,
Je vois leurs grands gestes confus
Et révoltés sur le ciel blême.

Et je veux leurs remords, je veux
Le silence affreux de leurs râles,
La fixité de leurs yeux pâles
Dans l’ouragan de leurs cheveux.