Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/117

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« Nous devons aux spéculations des Scolastiques tous les malheurs qui ont accompagné la destruction du commerce[1]. »

Réponse et Explication.

Je déclare que ce que je vais dire n’est que la défense d’un jurisconsulte qui connoît les livres de droit et n’a jamais lu que huit jours les livres de théologie. Ainsi, si je manque de cette exactitude qui est requise pour l’exposition des vérités révélées, on ne doit l’attribuer qu’à mon entière insuffisance sur ces matières.

La Faculté condamne ici un fait et un fait qui est sous les yeux de tout le monde. Il faut qu’elle ait entendu la proposition comme si j’avois dit que l’usure n’étoit pas condamnée par l’Évangile et l’Écriture ; ce que je n’ai certainement pas dit : d’autant plus que je n’avois point à traiter de cela. Je n’ai point dit non plus que les Scolastiques n’eussent point pris leur sentiment dans l’Écriture. Mais je dis qu’ils ont tiré leurs explications d’Aristote, qu’ils se sont servis des raisons d’Aristote, que leurs idées et leurs paroles sont celles d’Aristote. Je sais bien qu’ils n’en avoient pas besoin, puisqu’ils avoient pour eux l’Évangile, et que des explications tirées de la charité chrétienne sont autrement fortes que celles qu’on peut puiser dans Aristote, et qu’enfin, dans cette matière, il vaut mieux marcher avec le flambeau de la théologie qu’avec celui de la philosophie.

Or, que les Scolastiques ayent tiré d’Aristote leurs explications sur l’usure, il n’y a qu’à lire le Ier livre de la Politique d’Aristote, chapitres v, viii, ix et x, et le Xe des Éthiques ; d’un autre côté, l’Opuscule LXXIII de saint Thomas, Sur les Usures (XVIIe vol. in-fol., page 139, verso ; édition d’Anvers, 1612). Dans le chapitre iv de cet opuscule, saint Thomas cite continuellement Aristote et raisonne sur ses principes. Il dit que l’usure est un mal ex natura rei et materiæ, parce que l’argent ne produit point l’argent par sa nature, comme les fruits produisent les fruits, et parce que l’usage de l’argent est la translation de l’argent, et non pas la nourriture de l’homme, comme les fruits,

  1. Page 249 : liv. XXI chap. xvi.