Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/127

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Pour interpréter la proposition comme on fait, c’est-à-dire pour lui donner un sens selon lequel l’auteur de l’Esprit des Loix ne croiroit ni l’Ancien, ni le Nouveau Testament, il faudroit que son livre contint des choses qui prouvassent bien clairement qu’il ne croit point la Providence ; mais on trouve formellement le contraire, ne fut-ce qu’au livre Ier, chapitre ier : « Dieu agit et comme créateur et comme conservateur. » Il faudroit qu’il parût qu’il ne croit pas les voyes particulières de Dieu ; mais on y trouve formellement le contraire, comme au tome III (livre XXX, chapitre xi), page 331, où, après un grand nombre de citations des Vies des Saints, il dit : « Quoiqu’on puisse reprocher aux auteurs de ces Vies d’avoir été quelquefois un peu trop crédules sur des choses que Dieu a certainement faites si elles ont été dans l’ordre de ses desseins, on ne laisse pas d’en tirer de grandes lumières, etc. »

Or, si l’auteur de l’Esprit des Loix n’a point rejeté des prodiges qui ne sont qu’accessoires à la Religion, qui pourroient n’avoir pas été faits, sans que cela touchát le corps de la Religion ; à plus forte raison est-il censé avoir admis ceux qui sont fondamentaux : telle qu’est la vocation du Peuple juif, l’exécution des promesses à lui faites, etc.

Quoique le nom de Dieu fut admirable par toute la Terre, il voulut qu’il le parût encore plus dans cette partie qu’il avoit choisie pour son peuple, et la manière dont il l’y établit fait voir la protection la plus éclatante. Mais, quelque nombre de prodiges qu’il fit, tout n’étoit pas prodige. Dans la voye extraordinaire que Dieu prit, tout ne fut point extraordinaire. Dien ne changea le cours de la nature que lorsque le cours de la nature n’entra pas dans ses desseins. Il fit des miracles ; mais il ne les fit que lorsque sa sagesse les demanda.

Si l’on me faisoit la question : « Pourquoi les Israélites entrèrent dans Jéricho ? » je dirois que ce fut parce que Dieu en fit tomber les murailles. Mais, si Jéricho avoit été tout ouvert, je répondrois à la question en disant que la ville étoit sans défense. Je ne répondrois pas que ce fut par une voye particulière de Dieu ; parce que, dans ce fait, il n’y auroit point eu de volonté particulière. Je ne répondrois point en disant que Dieu fait tout ;