Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/16

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point de ratures et de surcharges. Mais la plupart sont corrigées ; beaucoup même sont criblées d’amendements et d’additions. Dans certains chapitres, trois ou quatre écritures se mêlent ou se succèdent. Les ciseaux ont aussi joué leur rôle ! Dos feuilles ou demi-feuilles ont été substituées les unes aux autres et souvent ne sont retenues qu’au moyen d’onglets ménagés prudemment dans les feuilles sacrifiées. L’aspect extérieur du manuscrit trahit des remaniements minutieux, réitérés, considérables. C’est le produit d’un labeur acharné de quinze à vingt ans qu’on a devant soi.

Cette impression est encore confirmée par des remarques mises en marge du manuscrit. Se défiant de sa mémoire dans un travail de si longue haleine, Montesquieu notait, à mesure qu’ils lui venaient à l’esprit, ses doutes sur le fond ou sur la forme de certains passages. On le voit s’inquiéter d’une question de style, s’imposer des vérifications plus ou moins délicates, ou s’inviter lui-même à des réflexions nouvelles sur les points qui lui inspirent des scrupules[1].

II

Alors qu’il constate l’opposition des mœurs et des morales chez les peuples de divers siècles et de divers pays, le philosophe éprouve un vif sentiment de tristesse et même d’angoisse. Il se demande s’il n’y a rien de stable, de fondé, dans l’éthique. Pour qu’il triomphe de ses doutes, il lui faut découvrir un principe unique, inva-

  1. Voici quelques exemples de ces annotations marginales : « Voir cela. — Corriger la diction. — Peut-être passer cet alinéa. — Cet article est bon ; il a été mal effacé. — Chercher où le P. Labat a pris cela. — Il faut voir entièrement la Grande-Charte, etc., etc., etc. »