Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/17

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riable, auquel il puisse ramener jusqu’aux préceptes en apparence les plus disparates.

Un problème du même ordre se pose aux légistes et surtout aux législateurs.

Il n’y a peut-être pas un seul acte qu’on ne voie prescrit, toléré et défendu par les lois adoptées en temps et en lieux divers. Les institutions civiles et politiques que se donnent les sociétés humaines ne sont-elles donc qu’arbitraires et conventionnelles ? Un esprit vraiment critique l’admettra douloureusement s’il n’arrive point à se convaincre qu’une impulsion constante, identique, préside aux efforts plus ou moins heureux des peuples en quête de la Justice.

L’Esprit des Lois est la réponse que Montesquieu a donnée à la question dont nous venons d’indiquer l’objet et l’importance.

Il n’était guère possible que le problème ne se posât point à lui. On sait qu’il avait la passion des idées générales, à tel point qu’il s’en grisait effectivement[1]. Ses études juridiques et surtout ses lectures d’histoire et de voyages devaient donc l’amener fatalement à réfléchir sur les contrastes si étranges que présentent les coutumes et les lois positives des hommes. Comment ne s’en serait-il pas occupé et même inquiété ? Admettre qu’il n’y ait point de raison au fond des choses répugne absolument aux intelligences semblables à la sienne.

Longtemps Montesquieu chercha, mais en vain. Bien des fois, il vit s’évanouir comme un songe la vérité qu’il pensait avoir découverte. Ce ne fut qu’après des déceptions trop nombreuses qu’il put dégager les principes auxquels il jugea pouvoir s’arrêter.

Il finit par se persuader que les peuples, en adoptant

  1. Voyez L’Homme moral opposé à l’Homme physique de Monsieur R…, [par le P.Caste], Toulouse. 1756, p. 125.