Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/25

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il devait pouvoir insérer dans son œuvre quelque fait ou quelque réflexion à l’appui de sa thèse. Une forme savante, arrêtée, lui eût imposé, en pareil cas, des remaniements considérables ou même des refontes complètes. Rien, au contraire, de plus simple avec la disposition en quelque sorte élémentaire, qu’il préféra.

Il usa très largement des facilités qu’il s’était assurées ainsi. Elles lui permirent d’ajouter sans peine, dès qu’il le jugeait à propos, un article dans un chapitre, un chapitre dans un livre. Quand il l’estimait convenable, il put, non moins aisément, couper un chapitre en deux ou fondre deux chapitres en un. Les transpositions heureuses ne lui coûtèrent pas davantage. Aussi le manuscrit de La Brède nous révèle-t-il que la plupart des chapitres de l’Esprit des Lois reçurent successivement plusieurs numéros, et quelques-uns jusqu’à douze ou treize.

Des raisons physiques et impérieuses obligeaient, du reste, notre auteur à ménager son temps. Ses yeux et son âge l’avertissaient qu’il devait finir sa grande œuvre le plus tôt possible. Il n’avait pas de semaines, pas de jours à perdre, et il le sentait bien. Une disposition qui lui permettait des corrections, des modifications rapides, était doublement précieuse pour lui. Ne nous étonnons donc point qu’il en ait choisi une des plus élastiques.

Dans le cadre austère d’un code, Montesquieu ne s’astreignit d’ailleurs point à n’exprimer ses pensées qu’avec une gravité continue et dogmatique.

Il ne s’interdit l’emploi ni des ironies mordantes, ni même des lettres et des discours fictifs. Cependant il supprima du livre XXV, qu’elle terminait, une prétendue dépêche où le roi de Thibet se plaignait, à la Propagande de Rome, des agissements de ses missionnaires[1]. La

  1. Voyez les Pensées et Fragments inédits de Montesquieu, t. Ier, p. 48.