Page:Barneville - Le Rythme dans la poésie française, 1898.djvu/104

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Du reste, notre organisation physique assigne aussi des bornes à nos fantaisies. Le nerf auditif de l’homme n’est pas doué d’une incommensurable puissance. Or, aussitôt que nous sommes obligés de compter sur nos doigts ou de faire un calcul pour décomposer un rythme, nous n’éprouvons plus de sentiment esthétique. L’ouïe ne fonctionnant pas spontanément, il est impossible que se produise à temps l’étincelle[1].

Il semble donc que, partant de si rigou-

    comporter souvent un nombre presque indéfini de variations. La musique le prouve ; une même loi génératrice donne parfaitement naissance à une multitude de floraisons secondaires, qui, loin d’étouffer le thème fondamental, l’enrichissent plutôt.

  1. Au point de vue purement idéal, un tel rythme peut fort bien exister, mais, excédant les limites de l’humaine contingence, puisqu’il dépasse les bornes mathématiques assignées à nos perceptions auditives, nous n’en pouvons avoir une notion sensible. Il est donc pour nous comme s’il n’était pas ; il doit être rangé dans la catégorie de tant de vibrations mystérieuses, dont l’optique et l’acoustique nous affirment la présence à chaque instant autour de nous, sans qu’aucun de nos sens soit capable de les saisir. Le domaine du beau est infini ; le domaine de l’art est restreint.