Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/202

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    dévouement à la cause de la Liberté. L’un d’eux, le docteur Tissier Duclossau, avait même marché à la tête d’une division de la garde nationale d’Angers pour repousser un parti vendéen qui s’était emparé de St-Florent et de Beaupréau. Je connaissais parfaitement leur conduite passée et j’en fis part à mes collègues, qui ne crurent pas que le passé dût excuser le présent. Cependant ils ne furent pas incarcérés au moment de leur destitution, mais plus tard, la Convention ayant déclaré suspects tous les administrateurs destitués, le Comité révolutionnaire d’Angers les fit arrêter, et depuis ils ont été traduits devant le tribunal révolutionnaire et condamnés à mort.

    « La Revellière-Lépeaux, qui comptait un frère parmi les administrateurs, m’a accusé d’avoir été la cause de la mort de celui-ci ; je ne puis laisser planer un soupçon aussi injuste sur ma tête, et je dois rétablir les faits. Les administrateurs de Maine-et-Loire étaient coupables de plusieurs actes répréhensibles, il était impossible de laisser plus longtemps l’autorité administrative entre leurs mains, lorsque l’ennemi était aux portes de la capitale et déjà maître de plusieurs districts du département. Sans pouvoir être accusé de trop de sévérité envers eux, nous fûmes même indulgents en les laissant en liberté ; notre devoir était d’ordonner leur arrestation. Le tribunal révolutionnaire a jugé leur conduite criminelle, ce n’est pas à moi d’examiner la chose jugée. Je dois cependant dire pour ma justification, si ma conduite en avait besoin, que j’ai fait tout ce qui pouvait dépendre de moi pour les sauver. Les épouses de deux d’entre eux, les dames La Révellière et Bravet de Beaujon, étant venues me trouver à Paris quelque temps avant leur mise en jugement, pour m’inviter à faire des démarches en leur faveur, je les conduisis moi-même dans le cabinet de Fouquier-Tinville, à qui j’exposai devant elles que cette erreur d’un moment devait être excusée par une conduite antérieure. Fouquier-Tinville, sans leur donner trop d’espérance, leur dit que son devoir était d’examiner avec beaucoup d’attention cette affaire qu’il ne connaissait point encore, et que l’intérêt que j’y prenais était un motif de plus pour lui à le faire, puis il m’invita à rester seul avec lui.

    « À peine ces dames furent-elles sorties que Fouquier-Tinville me dit : « Je n’ai pas voulu affliger deux épouses qui remplissent un devoir en cherchant à m’intéresser en faveur de leurs maris ; je n’ai pas dit l’exacte vérité ; j’ai examiné cette affaire, comme je devais, et il m’est impossible, en ma qualité de procureur géné-