Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/203

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    ral, de présenter comme excusables des faits qui sont d’autant plus criminels que les accusés étaient des fonctionnaires publics. »

    « Je ne pouvais pas davantage pour eux et cette démarche seule doit prouver que je n’étais pas leur ennemi et que j’étais loin de désirer leur mort.

    « D’autres fonctionnaires publics du département de Maine-et-Loire furent, à peu près dans le même temps, traduits devant le tribunal révolutionnaire. Lorsque l’armée catholique marcha sur Angers en descendant la rive droite de la Loire, les officiers municipaux de la ville des Ponts-de-Cé, en écharpes blanches et précédés d’un drapeau de la même couleur, se rendirent sur les confins de leur territoire pour y complimenter les chefs : ils ont été condamnés à mort.

    « On s’est beaucoup apitoyé dans le pays sur cette mort, parce que ces magistrats étaient tous de simples ouvriers, et il est encore des hommes qui les regardent comme des victimes de la Révolution.

    « Beaucoup de personnes disent encore aujourd’hui à Paris que de nombreux ouvriers, qui n’avaient commis d’autre crime que celui de crier vive le roi, sont aussi des victimes de la Révolution. Je conviendrai, si l’on veut, que les lois étaient peut-être beaucoup trop sévères ; mais il faudra aussi convenir avec moi que c’est la sévérité de ces mêmes lois qui a sauvé la patrie, et qu’il est impossible en révolution d’adopter un juste milieu sans compromettre la chose publique ; tout le monde aujourd’hui n’est pas de cet avis ; mais ceux qui pensent ainsi ne savent pas ce que c’est qu’une révolution, et je ne désire pas qu’ils en fassent la triste expérience à leurs dépens, parce que j’ai toujours pensé qu’une révolution était un mal, mais je pense en même temps que c’est un mal nécessaire, car quel autre moyen resterait-il aux opprimés de se débarrasser de leurs tyrans ? Et ce n’est pas sans raison que l’Assemblée Constituante a décrété que, dans ce cas, l’insurrection est le plus saint des devoirs.

    « Quant aux classes ouvrières qu’on prétend n’avoir été que des instruments sacrifiés, je conviens que ceux qui les mettaient en avant étaient beaucoup plus responsables ; mais elles ne sont pas si dépourvues de bon sens que certaines gens voudraient le faire croire, pour les tenir dans une ignorance parfaite de leurs droits. On aura beau faire, le peuple a prouvé plus d’une fois qu’il connaissait sa force, et ceux-là sont bien aveugles qui le forcent d’y recourir, car ils en sont les premières victimes. »