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journal de ma vie.

Je m’apprestay donc pour partir, et parce que je mourois d’envie de voir les noces de Mr  de Vendosme, quy, dans dix jours, se devoint faire a Fontainebleau[1], je demeuray a Paris, feignant d’y avoir des affaires, et en ce sejour j’y perdis 25000 escus au jeu. En fin j’y allay inconnu ; et apres y avoir veu la ceremonie, je m’en revins a Paris, et tost apres en Lorraine ; et sans passer a Nancy, allay droit a Harouel, ou je demeuray quelques jours avec ma mere, ma tante d’Espinal, et quantité de noblesse quy m’y vint voir, et puis m’en vins a Nancy, comme sy je n’y avois autre affaire qu’a y saluer les princes et y passer mon temps.

Je fis le lendemain appeller un gentilhomme nommé Mr  de Ludre, sur ce qu’en passant devant sa porte, il avoit frappé un de mes cuisiniers ; mais il me fit tant d’excuses et de satisfactions que nous demeurasmes amis.

Je passay quattre ou cinq jours a Nancy sans parler de rien à S. A., et puis luy dis que je le suppliois tres humblement de me vouloir donner une heure d’audience particuliere, lors qu’il en auroit la commodité ; ce qu’il m’accorda dans sa galerie des l’apres disnée mesme, là ou, sans luy rien desguiser, je luy dis naïvement la cause de mon voyage, et luy presentay la lettre de creance du roy, que j’accompagnay des

  1. César, duc de Vendôme, épousa, en juillet 1609, Françoise de Lorraine, duchesse de Mercœur, fille unique et héritière de Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, et de Marie de Luxembourg.