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IV

Ce souci permanent, involontaire à force d’être naturel, de la beauté et du pittoresque devait pousser l’auteur vers un genre de roman approprié à son tempérament. Le roman et la nouvelle ont un privilége de souplesse merveilleux. Ils s’adaptent à toutes les natures, enveloppent tous les sujets, et poursuivent à leur guise différents buts. Tantôt c’est la recherche de la passion, tantôt la recherche du vrai ; tel roman parle à la foule, tel autre à des initiés ; celui-ci retrace la vie des époques disparues, et celui-là des drames silencieux qui se jouent dans un seul cerveau. Le roman, qui tient une place si importante à côté du poëme et de l’histoire, est un genre bâtard dont le domaine est vraiment sans limites. Comme beaucoup d’autres bâtards, c’est un enfant gâté de la fortune à qui tout réussit. Il ne subit d’autres inconvénients et ne connaît d’autres dangers que son infinie liberté. La nouvelle, plus resserrée, plus condensée, jouit des bénéfices éternels de la contrainte : son effet est plus intense ; et comme le temps consacré à la lecture d’une nouvelle est bien moindre que celui nécessaire à la digestion d’un roman, rien ne se perd de la totalité de l’effet.

L’esprit de Théophile Gautier, poétique, pittoresque, méditatif, devait aimer cette forme, la caresser, et l’habiller des différents costumes qui sont le plus à sa guise. Aussi a-t-il pleinement réussi dans les divers genres de