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APAFI.

possession. Michel Abaffi, qui avait été élu à la place de Kimin Janos, demanda la paix aux Turcs ; et, pour cet effet, Hali-Bassa entra en négociation avec le baron de Grez. Ce discours signifie nettement : 1o. qu’Apafi fut en guerre avec les Turcs dès qu’il se vit sur le trône de Transilvanie ; 2o. qu’il ne fut élu qu’après la mort de Kimin Janos, et, par conséquent, qu’il ne fut élu qu’en 1663. Tout cela est faux. Il fut élu pendant la vie de Kimin Janos, l’an 1661, et par la recommandation d’Ali Bassa. D’ailleurs Kimin Janos fut tué au mois de janvier 1662. L’auteur de la Vie du comte de Tékéli [1] rapporte, sur un on dit, que Michel Apafi fut élevé par les Turcs à la principauté de Transilvanie, parce qu’il leur promettait un tribut plus considérable. Renvoyons cette promesse au même lieu que ces autres compétiteurs qu’il eut, et qui s’adressèrent au grand-seigneur, à ce que dit le mal informé M. Moréri.

(C) Il était de grande naissance. ] Écoutons l’auteur que j’ai déjà cité plus d’une fois. Hic (Michel Apafi) erat, dit-il [2], ex antiquissimâ magnatum familiâ ortus, pius, sed tam naturâ, quàm propter diuturnas carceris crimensis molestias, plùs justo demissus ac lenis, ut adepto etiam principatu nimiæ à plerisque lenitatis insimularetur. Ces paroles : Ex antiquissimâ magnatum familiâ, réfutent pleinement M. Moréri, qui a dit que Michel Abaffi était fils d’un magistrat de la ville d’Harmenstad, capitale de la Transilvanie [* 1]. C’est sans doute sur la foi de ce Dictionnaire que l’auteur du Mercure Historique assure le même fait [3].

(D) Kimin Janos fut tué au mois de janvier 1662. ] J’ai déjà réfuté celui qui a dit que ce fut au commencement de l’année 1663. Voici une autre réfutation à faire. M. Ricaut débite que Kimin Janos, ayant été battu près de Clausembourg, résolut, quelque temps après, de tenter une seconde fois la fortune ; qu’il donna bataille aux Turcs, à quelque distance de Presbourg ; que le succès fut assez long-temps incertain ; mais qu’il fallut céder au nombre, et que Kimin Janos ayant pris la fuite, fut renversé de cheval par ses propres gens, qui le foulèrent aux pieds. Cet historien remarque que les Turcs tuèrent ou firent prisonniers cinquante mille chrétiens, à la bataille de Clausembourg, et qu’un peu auparavant ils évitèrent le combat, parce que les troupes de l’empereur et celles de Kimin Janos étaient supérieures aux leurs [4]. Je ne trouve rien de cela dans mon auteur transilvain. Il m’apprend, au contraire, que Montécuculi et Kimin Janos, s’étant avancés jusqu’au delà de Clausembourg, furent informés que l’armée d’Ali Bassa était quatre fois plus forte que la leur ; si bien que Montécuculi déclara à Kimin Janos que, vu le mauvais état où était l’infanterie, à cause de la disette de vivres qu’elle avait soufferte, il ne voulait point risquer les troupes de Sa Majesté Impériale [5]. Kimin Janos, au désespoir, et retenant à peine ses larmes sur cette déclaration [6], fut contraint de retourner en Hongrie avec Montécuculi. Il ne donna point d’autre combat que celui où il fut tué : il le donna, non pas en Hongrie, proche de Presbourg ; mais dans la Transilvanie, proche d’un village nommé Hetur, le 23 de janvier 1662 [7]. L’historien remarque que la faim et les maladies firent périr environ cinq mille soldats de l’armée de Montécuculi [8]. Cette circonstance, jointe à ce qui a été dit ci-dessus, ne rend pas trop digne de foi ce que dit M. Ricaut, que les forces de l’empereur et celles du prince Kemini, jointes ensemble, formaient une armée si belle et si nombreuse que l’on eût dit qu’elle allait non-seulement défendre les frontières de la chrétienté, mais disputer aux Ottomans l’empire de tout le monde [9]. Com-

  1. * Joly rapporte un passage d’un écrivain du pays d’Apafi où son père est qualifié : Consiliarius status intimus Gabrielis principis Transilvaniæ. Paul Wallazzcy, auteur du Conspectus reipublicæ litterariæ in Hungariâ, 1785, in-8o. seconde édition, Bude, 1808, in-8o., ne parle pas de la généalogie d’Apafi.
  1. Pag. 18 de l’édition de l’an 1694.
  2. Betlenius, Rer. Transilvaniæ, pag. 247.
  3. Mois de mars 1690, pag. 490.
  4. Ricaut, Histoire de Mahomet IV, pag. 292, 293, à l’an 1661.
  5. Betlenius, pag. 251.
  6. Idem, pag. 252.
  7. Idem, pag. 284, 285.
  8. Idem, pag. 254.
  9. Ricaut, Histoire de Mahomet IV, pag. 291.