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APELLES.

Ce que j’ai dit des bonnes nouvelles qui nous viennent de Turquie [1] n’est ignoré de personne. Nos gazetiers et nos autres nouvellistes ne nous disent presque jamais de ce pays-là rien qui ne soit propre à réjouir. Le murmure des peuples, leur misère, leurs vœux pour la paix, la discorde dans le divan, un premier visir étranglé, des factions formidables, des pestes et des incendies à Constantinople, des soulèvemens en Égypte, en Arabie, en Syrie, et cent autres choses de cette nature qui viennent par les courriers d’Allemagne, tantôt celles-ci, tantôt celles-là, ne sont-ce pas de bonnes nouvelles ? Combien de victoires effectives, combien de villes prises, combien de partis défaits, combien de courses heureusement exécutées dans le pays ennemi, n’a-t-on pas eu raison de publier pendant les étés, et quelles espérances de paix n’a-t-on pas données pendant les hivers ? Il n’est pas jusqu’à la levée du siége de Belgrade en 1693, qu’on m’ait débitée comme un bon événement, puisqu’à tout prendre, les troupes impériales avaient exécuté leurs principales intentions, qui étaient d’empêcher les Ottomans de faire irruption en Transilvanie. Quelqu’un disait peu après la réduction de l’Irlande, qu’on eût bien fait d’y entretenir long-temps la guerre, afin d’avoir un fonds assuré de nouvelles avantageuses, et dans l’Orient et dans l’Occident.

(G) Apafi mourut à Weissembourg, vers la fin d’avril 1690. ] Les nouvellistes ont été appointés contraires sur les circonstances de sa mort. Les uns ont publié qu’il mourut subitement dans l’assemblée des états de Transilvanie [2], les autres qu’il mourut après avoir été long-temps malade [3]. Tous conviennent qu’il mourut à Weissembourg [4].

  1. J’écrivais ceci en 1694 : je n’y change rien dans la seconde édition.
  2. Gazette de Paris, du 20 mai 1690.
  3. Mercure historique, mois de mai 1690, pag. 490. Vie du comte Tékéli, pag. 263.
  4. La Vie du comte Tékéli dit à Albe-Jule. C’est la même ville que Weissembourg.

APELLES, l’un des plus illustres peintres de l’antiquité, était natif de l’île de Co (A), et florissait au temps d’Alexandre (B). Il fut si estimé de ce prince, qu’il fut le seul qui obtint la permission de le peindre [a]. Il en obtint une autre marque d’une singulière considération ; car Alexandre lui ayant donné à peindre l’une de ses concubines, et l’en voyant amoureux, la lui céda (C). Il y a lieu de douter qu’Apelles ait abusé autant qu’on le dit de la bonté de ce grand monarque (D) : il était apparemment trop bon courtisan pour ignorer qu’un discours aussi peu respectueux que celui qu’on lui attribue était fort capable de déplaire. La réponse qu’il fit touchant Laïs ne fait point d’honneur à ses mœurs (F). On a fort parlé de son tableau de la Calomnie ; mais presque personne ne s’est aperçu des erreurs qui se rencontrent dans la narration du fait qui fut cause de ce tableau (F). Le Traité où Lucien parle de cela, est une excellente pièce [b]. Le chef-d’œuvre d’Apelles était le portrait de Vénus sortant de la mer (G). Quelques-uns disent que la maîtresse qu’Alexandre lui avait cédée lui servit d’original quand il voulut faire ce portrait : d’autres disent que la courtisane Phryné servit à cela. On parle d’un autre portrait de Vénus, qu’il avait commencé, qui aurait surpassé le premier, si la mort ne l’eût empêché de le finir (H). M. Moréri a pris l’un de ces tableaux pour l’autre (I), et n’a pas bien rapporté ce qui

  1. Voyez les remarques de l’article Lysippe. (Bayle n’a pas donné cet article)
  2. Il a pour titre, Περὶ τοῦ μὴ ῥαδίως πιστεύειν δὶαϐολῇ : de non temerè credendo calumniæ.