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APELLES.

concerne la peinture d’un cheval (K). Il n’y avait point d’affaire si importante qui pût obliger Apelles d’être un jour sans appliquer son pinceau, d’ou naquit un fameux proverbe (L). Les livres que ce grand peintre avait composés sur la peinture sont tous perdus [a]. On ne sait ni où, ni quand il mourut. Une de ses principales perfections était de rendre ses ouvrages extrêmement ressemblans, de sorte que les physionomistes ne devinaient pas moins sur ses portraits, que s’ils avaient vu les originaux (M). On peut rapporter à cela ce qu’il fit à la cour d’Égypte [b].

  1. Voluminibus etiam editis quæ doctrinam eam continent. Plin., lib. XXXV, cap. X.
  2. Voyez la remarque (B).

(A) Il était natif de l’île de Co. ] Je n’ai trouvé que deux auteurs qui le disent : encore faut-il supposer que l’un d’eux n’avait point écrit ce que la plupart des éditions lui font dire ; mais qu’au lieu de ces paroles, Apelles eò usquè olympiade 112 provectus, ut plura solus propè quàm cæteri omnes contulerit, il employa celles-ci : Apelles Cous olympiade 112 picturæ plura solus propè quàm cæteri omnes contulit [1]. Turnèbe avait conjecturé qu’il fallait lire Apelles Cous, et non pas Apelles eò usquè. Sa conjecture a été confirmée par le manuscrit du Vatican [2], et par ceux de la bibliothéque du roi et de la bibliothéque de M. Colbert [3]. L’autre témoin est Ovide. Il parle ainsi :

Ut Venus artificis labor est et gloria Coi,
Æquoreo madidas quæ premit imbre comas [4].


Nous parlons dans la remarque (I) d’un autre passage de ce poëte, où les uns lisent Cois et les autres Cous. Le grand nombre d’auteurs qui donnent une autre patrie à Apelles obligea le Mazzoni à soutenir la cause d’Ovide ; mais au lieu de Co, il avance que ce poëte a dit Chio [5]. Trois auteurs de poids font Apelles natif d’Éphèse [6]. Suidas le fait natif de Colophon, et ajoute que la ville d’Éphèse l’adopta.

(B) Il florissait au temps d’Alexandre. ] On ne peut nier qu’il ne fût déjà au faîte de sa réputation lorsque ce prince commença la conquête de l’Asie, c’est-à-dire, dans la 111e. olympiade. L’aventure d’Apelles à la cour d’Égypte fait voir qu’il survécut à Alexandre. C’est donc une faute que de dire avec Majoragius, qu’il était élève de Zeuxis : la distance de plus de 120 ans, qui est entre la 84e. olympiade, où Zeuxis était dans sa fleur [7], et le règne du premier Ptolomée, ne permet pas cela. C’est Carlo Dati qui relève cette faute de Majoragius : Non so, dit-il [8], con qual fondamento Marcantonio Majoraggio nel Commento sopra l’Orat. di Cicer. a 11. dicesse che Apelle fosse scolare di Zeusi, quando tra l’uno e l’altro corse l’età d’un uomo. Voici ce que c’est que l’aventure de la cour d’Égypte. Apelles n’avait pas eu le bonheur de se faire aimer de Ptolomée à la cour d’Alexandre. La tempête l’obligea à relâcher à Alexandrie pendant le règne de Ptolomée. Un fourbe, pour lui jouer un mauvais tour, lui alla dire que le roi l’invitait à son dîner. Apelles se présenta ; et voyant le roi fort en colère, il allégua pour son excuse, qu’il ne venait que par son ordre. On voulut qu’il montrât celui qui l’avait invité : cela n’était point possible ; car le fourbe n’était point alors dans la chambre. Apelles se mit à le crayonner sur la muraille avec un charbon : Ptolomée le reconnut dès les premiers traits : Non fuerat ei gratia in comitatu Alexandri cum Ptolemæo, quo

  1. Plinius, lib. XXXV, cap. X.
  2. Voyez Carlo Dati dans ses Apostilles sur la Vie d’Apelles, pag. 104.
  3. Voyez le P. Hardouin sur Pline, tom. V, pag. 264.
  4. Ovid., de Ponto, lib. IV, eleg. I, vs. 29.
  5. Difesa di Dante, lib. III, cap. XVI, appres. Carlo Dati, Postille sopra la Vita d’Apelle, pag. 103.
  6. Strabo, lib. XIV ; Lucianus, de Calumn. ; Ælian. Histor. Anim., lib. IV, cap. L. Voyez aussi Tzetzès, chil. VIII, hist. CXCVII, vs. 193.
  7. Voyez la remarque (A) de l’article Zeuxis.
  8. Carlo Dati, Postille sopra la Vita d’Apelle, pag. 105.