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APION.

Égyptiens conservaient de temps immémorial contre la nation judaïque, accusa les Juifs de plusieurs crimes, et insista principalement sur ce qui pouvait irriter le plus l’esprit de Caligula ; c’est que les Juifs ne voulaient pas lui consacrer des images (E), ni jurer par son nom, pendant que tous les peuples de l’empire lui consacraient des temples et des autels [a]. Un des principaux ouvrages d’Apion était celui des Antiquités d’Égypte. C’est sans doute dans cet ouvrage qu’il parla des pyramides assez amplement, pour mériter que Pline l’ait mis au nombre des douze auteurs qui ont écrit sur cette matière [b]. Il parla dans ce même livre fort désobligeamment des Juifs ; mais il ne se contenta pas de les maltraiter dans l’occasion que lui en fournirent ses Antiquités d’Égypte, il fit un ouvrage tout exprès contre eux [c]. Josephe se crut obligé de réfuter les calomnies malicieuses dont cet auteur les avait chargés (F). Apion n’était point en vie quand cette réfutation fut faite ; car on y donne une remarque sur le genre de sa mort. On y assure, qu’après s’être tant moqué des cérémonies judaïques, sans prendre garde qu’à certains égards il foulait aux pieds, par ses médisances contre les juifs, les anciennes lois des Égyptiens [d], il s’était vu attaqué d’une maladie qui exigea des incisions aux parties naturelles ; mais que ce remède n’empêcha pas qu’il ne mourût de ce mal, au milieu d’une très-grande douleur [e]. Il s’était vanté d’avoir évoqué l’âme d’Homère, pour savoir la patrie et la famille de ce poëte [f]. On connaît le titre de quatre ou cinq de ses livres (G).

Il n’est pas vrai qu’Apion raconte qu’Euphranor, voulant peindre Jupiter, alla à Athènes consulter un professeur qui lisait Homère à ses écoliers, et que ce peintre fit un portrait admirable de ce dieu sur la description que fait ce poëte au livre premier de l’Iliade d’un Jupiter, etc. [g]. Cette faute, qui échappa au père Rapin, dans la première édition de ses Réflexions sur la Poétique, fut cruellement relevée par le jésuite Vavasseur (H).

  1. Ex Josephi Antiq., lib. XVIII, cap. X.
  2. Plinius, lib. XXXVI, cap. XII. Voy. aussi lib. XXXVII, cap. V.
  3. Justin. Paræn. ad Græcos, pag. 9. Clemens Alexandr. Stromat. lib. I, pag. 320.
  4. Entre autres celle de la Circoncision.
  5. Joseph., lib. II, contra Apionem, sub fin.
  6. Voyez la remarque (D).
  7. Rapin, Réflex. sur la Poétique, num. 28, pag. 73. Édition de 1674.

(A) Apion…… natif d’Oasis en Égypte. ] Je ne saurais comprendre pourquoi, dans le Dictionnaire de Moréri, on nous donne ce grammairien en deux articles, tantôt sous le nom d’Apian, tantôt sous celui d’Appion, sans nous avertir qu’il n’y a là qu’un seul personnage. Je ne crois pas qu’il y ait d’habiles gens qui l’aient nommé Apian ; mais je sais que ceux qui se piquent d’exactitude, ne le nomment point Appion. Leur raison est que son nom était pris d’Apis, divinité des Égyptiens, et non d’Appia, famille romaine [1]. Sa patrie était horriblement défigurée dans Moréri : on l’avait changée en Osias. Le Supplément l’a marquée comme il fallait. Suidas remarque qu’Héliconius avait dit qu’Apion était de l’île de Crète ; mais il ne faut point douter qu’il ne fût d’Oasis, puisque Josephe l’assure, et lui fait un crime

  1. Vossius, de Histor. Græcis, pag. 531.