Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
APOLLODORE.

contemni à se ostendens et rem de quâ quæreretur, et hominem ipsum qui quæreret : « Priscorum, inquit, et remotorum ego verborum medullas et sanguinem, sicuti dixi, perspicere et elicere soleo, non illorum quæ proculcala vulgo et protrita sunt. Ipso illo quippè Cn. Lentulo stolidior et vanior, qui ignorat ejusdem esse vanitatem et stoliditatem. »

APOLLODORE. Un grand nombre de personnes de différentes professions, et de beaucoup de mérite, ont été ainsi appelées. Scipion Tetti [a], Napolitain, a composé un Traité des Apollodores, qui fut imprimé à Rome, l’an 1555, avec la Bibliothéque d’Apollodore traduite en latin par Benedictus Ægius [b]. Thomas Gale a retouché cette matière plus de cent ans après [c]. M. Moréri a donné sous ce mot beaucoup d’articles, qui auraient bon besoin de révision. Il a oublié un illustre Apollodore, qui est le seul dont j’aie dessein de parler.

  1. Moréri l’appelle Tattius, au lieu de Tettius.
  2. Voyez Nicodemo, Additione alla Bibliot. Napolet.
  3. Voyez son Apollodore, imprimé à Paris, avec d’autres Traités, en 1675.

APOLLODORE, fameux architecte sous Trajan et sous Hadrien, était de Damas. Il eut la direction du pont de pierre que Trajan fit construire sur le Danube l’an 104, et qui a passé pour le plus magnifique de tous les somptueux ouvrages de cet empereur. Procope en parle [a] ; et il y a quelque apparence qu’Apollodore en avait laissé la description par écrit. Hadrien, qui se piquait de savoir en perfection tous les arts et toutes les sciences, jusqu’à concevoir de la jalousie et de la haine contre ceux qui s’étaient acquis une réputation éminente dans leur profession, avait des motifs tout particuliers de n’aimer pas Apollodore ; car un jour que Trajan discourait avec ce grand architecte sur les bâtimens qu’il faisait construire dans Rome, Hadrien voulut dire son avis, et le fit en homme qui n’y entendait rien [b]. Apollodore le brusqua : Allez-vous-en, lui dit-il, peindre des citrouilles ; car pour ce qui est des choses dont nous parlons, vous y êtes fort ignorant. Hadrien, en ce temps-là, s’occupait à peindre des citrouilles, et s’en vantait même. Cette incartade d’Apollodore lui coûta bon. Hadrien s’en souvint toute sa vie ; et, quand il se vit empereur, il n’oublia pas de se venger. Il n’employa point Apollodore, il le relégua, et enfin il le fit accuser de plusieurs crimes, et le fit mourir sous ce prétexte : il aurait eu honte d’avouer la cause de ce supplice. Apollodore avait ajouté à la vieille offense une injure qui piqua jusqu’au vif cet empereur : il avait critiqué, et bien critiqué, qui pis est, un somptueux édifice qu’Adrien avait fait faire. Le prince, pour montrer à Apollodore qu’on se pouvait passer de lui, affecta de lui envoyer le plan du temple de Vénus ; et quoiqu’il lui demandât son avis, ce n’était point pour en profiter ; la construction était déjà faite. Apollodore écrivit fort ingénument ce qu’il

  1. De Ædific. ; lib. IV, cap. VI, pag. 81, apud Tillemont, Histoire des empereurs, tom. II, p. 302.
  2. Xiphilinus, in Hadriano.