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APOLLONIUS.

tent réellement traduits en arabe [1]. Il en donne pour caution Aben Nedin, qui a fait un livre de Philosophis Arabibus [2]. Notez, 1o. qu’à la fin du manuscrit de Golius, on avait marqué que le huitième livre d’Apollonius n’avait pas été traduit en Arabe, parce qu’il manquait dans les livres grecs sur lesquels la version des autres avait été faite [3] ; 2o. que le manuscrit, sur lequel a été faite la traduction d’Ecchellensis venait de la bibliothéque orientale, qu’Ignace Néama, patriarche d’Antioche, avait léguée au grand-duc Ferdinand Ier. [4] ; 3o. qu’Abalphat Asphahanensis est l’auteur de la traduction arabe qui a servi d’original à Ecchellensis ; et qu’il la fit pour le roi Abicaligiar, qui monta sur le trône l’an 372 de l’hégire. D’où il s’ensuit que cette version n’est point la première qui eût été faite en cette langue ; car Grégoire Barhebræus remarque que sept livres des Coniques d’Apollonius furent traduits en Arabe au temps d’Almamun. Or, Almamun fut inauguré l’an 203 de l’hégire [5] ; 4o. qu’Abalphat ne laisse pas de prétendre que sa version est la première, et qu’on n’avait vu encore que certains fragmens d’Apollonius, les endroits les plus faciles. Cela peut faire juger, ou qu’il n’avait jamais vu la traduction qui fut faite sous Almamun, ou que cette traduction ne comprenait que quelques fragmens des Coniques d’Apollonius [6].

Voilà ce que j’ai pu dire pour commenter le texte de cette remarque. Je ne parle point de l’Apollonius Batavus de Willibrord Snellius, seu exsuscitata geometria Apollonii Pergæi περὶ διωρισμένης τομῆς, ouvrage imprimé à Leide, l’an 1608, in-4o. ; et je laisse Vincentio Viviani, auteur du Traité de Maximis et Minimis, geometrica Divinatio in quintum librum Conicorum Apollonii Pergæi, imprimé à Florence en 1659, in-folio.

(C). M. Descartes ne jugeait pas favorablement de ses Coniques. ] « Il ne lui paraissait pas étrange qu’il se trouvât des gens qui pussent démontrer les coniques plus aisément qu’Apollonius, parce que cet ancien est extrêmement long et embarrassé, et que tout ce qu’il a démontré est de soi assez facile [7]. » Il comparait ce qu’il avait fait en métaphysique aux démonstrations d’Apollonius, dans lesquelles il n’y a véritablement rien qui ne soit très-clair et très-certain, lorsqu’on considère chaque point à part. Mais parce qu’elles sont un peu longues, et qu’on ne peut y voir la nécessité de la conclusion, si l’on ne se souvient exactement de tout ce qui la précède, à peine peut-on trouver un homme dans toute une ville, dans toute une province, qui soit capable de les entendre. Néanmoins, sur le témoignage du petit nombre de ceux qui les comprennent, et qui assurent qu’elles sont vraies, il n’y a personne qui ne les croie [8].

(D) On a cru qu’il s’appropria les écrits et les découvertes d’Archimède. ] Héraclius assure qu’Archimède fut le premier qui travailla à des théorèmes coniques, et que ses compositions là-dessus, avant que d’être publiées, tombèrent entre les mains d’Apollonius, qui les publia comme son ouvrage [9]. Eutocius réfute cela par deux raisons : l’une est qu’Archimède en divers endroits de ses livres parle de la science des coniques comme d’une chose qui n’était pas nouvelle ; l’autre est qu’Apollonius ne se vante point d’être l’inventeur de ce qu’il écrit ; il se contente de dire qu’il a traité cette matière plus amplement qu’on n’avait encore fait [10]. Voilà, ce me semble, une assez mauvaise justification quant au crime de plagiaire ; car on peut fort bien s’approprier les écrits d’autrui, encore que ce ne soient pas des ouvrages où l’auteur prétende ne rien dire qui ne soit nouveau. La gloire d’expliquer mieux que l’on n’avait fait une matière difficile est assez grande, pour tenter un

  1. Mersennus, Præfat., in Apollonii Conica, quæ sunt in ejus Συνόψει Mathematicâ.
  2. Voyez Vossius, de Scientiis Mathemat., pag. 55.
  3. Idem, ibid.
  4. Borellus, in Præf.
  5. Abrah. Ecchellens., in Præfat.
  6. Idem, ibid.
  7. Baillet, Vie de Descartes, tom. II, pag. 39.
  8. Là même, pag. 101.
  9. Heraclius, in Vitâ Archimed., Apud Eutocium, init. Comment., in Apollonii Conica.
  10. Eutocius. ibidem. Voyez Claude Richard, dans sa Préface sur Apollonius, sect. VII.