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APOLLONIUS.

lant que de toile [a] ; que peu après il s’érigea en réformateur ; qu’il fit élection de domicile dans un temple d’Esculape, où bien des malades lui allaient demander leur guérison ; qu’étant devenu majeur, il céda une partie de son bien à son frère aîné, qu’il en distribua une autre partie à des parens pauvres, et qu’il en retint très-peu pour lui ; qu’il passa cinq ans sans parler ; qu’il ne laissa pas dans ce silence d’arrêter plusieurs séditions (A) en Cilicie et en Pamphylie [b] ; qu’il se mit à voyager, et à faire le législateur ; qu’il se vantait de savoir toutes les langues sans les avoir jamais apprises, de connaître les pensées des hommes [c], et d’entendre les oracles que les oiseaux rendaient par leur chant [d] ; qu’il condamnait les danses, et les autres divertissemens de cette nature ; qu’il recommandait les œuvres de charité [e] ; qu’il voyagea presque dans toutes les parties du monde [f] ; qu’il souleva à Cadix, contre Néron, celui qui avait l’intendance du pays [g] (B), et qu’il mourut fort âgé, sans qu’on ait jamais su bien certainement ni où, ni de quelle manière [h]. Sa vie a été amplement décrite par Philostrate (C) : il ne faut point douter qu’elle ne contienne mille choses fabuleuses, ou que, si les faits étaient vrais, on ne dût les attribuer à l’art magique. Les païens étaient fort aises d’opposer les prétendus miracles de cet homme à ceux de Notre-Seigneur (D), et de les mettre en parallèle les uns avec les autres. Il est remarquable, que saint Augustin a reconnu qu’Apollonius, au pis aller, valait mieux que le Jupiter des gentils [i]. On ne peut nier que ce philosophe n’ait reçu de très-grands honneurs, et pendant sa vie, et après sa mort (E) ; et que sa réputation n’ait duré autant que le paganisme (F). Il laissa quelques ouvrages, qui ne subsistent plus (G). On parle d’un autre philosophe nommé Apollonius de Tyane (H) : il vivait sous l’empire d’Hadrien. Je ne sais pas de quelle secte il était ; mais personne n’ignore que notre Apollonius était un pythagoricien à brûler. Il faisait une si ouverte profession de croire la métempsycose, qu’il fit adorer un lion sous prétexte que l’âme d’Amasis [j] était unie avec le corps de cette bête [k]. Nous avons sa Vie traduite en français par Blaise de Vigénère, sur le grec de Philostrate [l], avec de fort amples commentaires d’Artus Thomas, sieur d’Embry, Parisien. Il n’y a pas long-temps qu’une traduction anglaise de cette Vie, avec des notes, a furieusement scandalisé de bonnes âmes (I). Elle a été condamnée,

  1. Philostr., in Vitâ Apolloniâ, lib. I.
  2. Idem, ibid.
  3. Idem, ibid.
  4. Id., ibid, cap. XIV.
  5. Id., ibid., lib. IV, cap. I et II.
  6. Voyez la CIIIe. lettre de saint Jérôme.
  7. Phil., lib. IV, cap III et XII.
  8. Sous l’empire de Nerva, en l’année de grâce 96 ou 97.
  9. Voyez la remarque (F), citation (28).
  10. Il avait été roi d’Égypte.
  11. Philost., lib. V, cap. XV.
  12. Le titre apprend que Fed Morel, lecteur et interprète du roi, a revu et exactement corrigé cette version sur l’original grec. Elle fut imprimée à Paris, l’an 1611, en deux vol. in-4o.