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APOLLONIUS.

absolument le surnom de Grand Géomètre à notre Apollonius : il fallait user de restriction, et se contenter de dire que ses contemporains le surnommèrent ainsi, à cause de sa capacité dans les coniques. Voilà précisément ce qu’Eutocius d’Ascalon rapporte [1]. 2o. Moréri prétend que ce surnom est le même que celui de ὸ Κρόνος : c’est une grande bévue, quelque favorablement qu’on la traite ; car enfin, l’Apollonius, qui eut le surnom de Κρόνος, n’était point le géomètre ; il était natif de Cyrène [2], et n’eut jamais de réputation [3]. 3o. Eutocius ne rapporte point l’ouvrage d’Héraclius de la vie d’Archimède : il le cite seulement. 4o. Dire que nous avons le Traité des Cônes, Conicorum, traduits par Jean-Baptiste de Mesmes, c’est commettre un barbarisme, et vouloir persuader aux lecteurs que ce Jean-Baptiste a traduit tout cet ouvrage. Il n’en a pourtant traduit que les quatre premiers livres. 5o. Il n’est pas vrai que les gens de lettres sachent que ces [4] quatre premiers livres d’Apollonius sont d’Euclide de Megare. 6o. Personne n’a dit qu’Apollonius fut le disciple d’Eubulides, auditeur d’Euclide ; et il n’y a nulle apparence qu’il l’ait été, puisqu’Eubulides ne cultivait guère que les chicanes de la dialectique, et qu’il n’enseigna point dans Alexandrie, où notre Apollonius étudia sous les disciples d’Euclide [5]. 7o. Après avoir avancé qu’Euclide est le véritable auteur des quatre premiers livres d’Apollonius, fallait-il dire que celui-ci fit des Commentaires sur les quatre premiers livres des Cônes de ce philosophe ? Quelles brouilleries, ou plutôt quelles contradictions ! 8o. Il n’est pas vrai que Golius ait traduit d’arabe en latin le Ve., le VIe. et le VIIe. livre d’Apollonius. M. Moréri, qui l’affirme, n’est point excusable, puisqu’il n’avait lu dans Vossius que ceci, que Golius avait apporté du Levant ces trois livres en arabe, et que les mathématiques lui auraient bientôt de grandes obligations, et surtout quand ces trois livres auraient été imprimés [6]. 9o. L’Apollonius, qui fut le maître de Diodore, n’est point celui dont il s’agissait dans cet article. On a pu voir ci-dessus [7] deux autres fautes de M. Moreri.

  1. Eutoc. Ascalon., initio Comment., in Conicâ Apollonii. Il se fonde sur le témoignage de Gemini, lib. VI, Mathemat. Præceptionum.
  2. Strabo, lib. XVII, pag. 576.
  3. Idem, lib. XIV, pag. 453.
  4. Notez que Moréri n’avait rien dit à quoi le mot ces se pût rapporter : cela forme un galimatias insupportable.
  5. Voyez Diogène Laërce, liv. II, num. 111.
  6. Vossius, de Scient. Mathem., cap. XVI, pag. 55.
  7. Dans la remarque (B) aux citations marginales (9) et (10).

APOLLONIUS de Tyane a été l’un des hommes du monde dont on a dit les choses les plus extraordinaires. J’avais résolu d’en faire un fort long article ; mais, ayant vu celui que M. de Tillemont en a fait, j’ai cru qu’il valait mieux employer mon temps à d’autres recherches, que prendre bien de la peine pour ne rien dire que ce qu’il a dit, ou que prendre simplement la peine de le copier. Son livre passera par plus de mains que celui-ci, et tout le monde sera plus à portée de le consulter, que de consulter mon Dictionmaire. Il suffit donc d’avertir, que l’on trouvera dans le second tome de son ouvrage [a] un recueil plein et exact de tout ce qu’il y a de plus remarquable à dire touchant Apollonius de Tyane. Je dirai néanmoins, quand ce ne serait que par forme, qu’il naquit à Tyane, dans la Cappadoce, vers le commencement du Ier. siècle ; qu’à l’âge de seize ans il s’érigea en observateur rigide de la règle de Pythagore, renonçant au vin, aux femmes, à toute sorte de chair, ne portant point de souliers, laissant croître ses cheveux, ne s’habil-

  1. Pag. 200 et suiv., édit. de Bruxelles.