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APOLLONIUS.

parent quàm deos suos : multò enim melior, quod fatendum est, Apollonius fuit, quàm tot stuprorum auctor et perpetrator quem Jovem nominant [1]. Le même père remarque que les païens, qui se moquaient de l’histoire de Jonas, eussent reçu pour très-véritable une pareille aventure, si elle eût été racontée touchant Apulée, ou Apollonius de Tyane : Si hoc quod de Jonâ scriptum est, Apuleius Madaurensis, vel Apollonius Tyanens, fecisse diceretur, quorum multa mira, nullo fideli auctore, jactitant...... si de istis ut dixi quos magos vel philosophos laudabiliter nominant tale aliquid narraretur, non jam in buccis creparet risus, sed typhus [2]. Enfin, je trouve qu’Eunapius écrivait au commencement du cinquième siècle, qu’Apollonius n’était pas tant un philosophe, que quelque chose qui tenait le milieu entre Dieu et l’homme, et que Philostrate devait avoir intitulé l’Histoire qu’il en a faite, la descente d’un Dieu sur la terre [3]. Ai-je donc tort d’assurer que la gloire d’Apollonius dura autant que le paganisme ?

Il ne me reste qu’à répondre à l’autorité d’Eusèbe, dont M. de Tillemont s’est fortifié. J’y réponds facilement, parce qu’il est clair, par les faits qui viennent d’être allégués, qu’Eusèbe donne dans une hyperbole qui ne paraît avoir aucune ombre de vérité. Comment pourrait-il être véritable que personne, au temps d’Eusèbe, ne faisait l’honneur à Apollonius de le traiter de philosophe, puisqu’Ammien Marcellin, dans le même siècle, ayant dit un mot par occasion d’une fontaine qui était auprès de Tyane, ne manque pas de se souvenir d’Apollonius avec cet éloge : Ubi amplissimus ille philosophus Apollonius traditur natus [4] ? J’aimerais mieux dire, pour l’honneur d’Eusèbe, qu’il parle de Philostrate, en sorte que son sens soit qu’il n’est pas besoin de réfuter amplement les rêveries débitées par Philostrate, puisque c’est un auteur dont personne ne fait cas, et que l’on ne met pas même au nombre des philosophes. Cette explication, je l’avoue, souffre quelques difficultés ; mais il est sûr qu’Eusèbe prétend attaquer le fantôme de Philostrate, et non le véritable Apollonius. Ne déclare-t-il pas qu’il a toujours regardé Apollonius comme un savant homme, et qu’il consent qu’on le place au nombre des philosophes avec toute sorte d’honneur ? qu’il ne rejette que les fables et les vertus surnaturelles dont Philostrate et quelques autres panégyristes ont parlé : et qu’en prenant droit sur Philostrate, il montrera qu’Apollonius est indigne d’être compté, non-seulement au nombre des philosophes, mais aussi au nombre des gens d’une médiocre vertu : tant s’en faut qu’on le puisse mettre en parallèle avec Jésus-Christ : Μόνην ἑπισκεψώμεθα τὴν τοῦ Φιλοςράτου γραϕήν δι' ἧς εὐθυνοῦμεν ὡς οὐχ ὅτι γε ἐν ϕιλοσόϕοις ἀλλ οὐδ᾽ ἐν ἐπιεικέσι καὶ μετρίοις ἀνδράσιν ἄξιον ἐγκρίνειν, οὐχ ὅπως τῷ σωτῆρι ἡμῶν Χριςῷ παρατιθέναι τὸν Ἀπολλώνιον [5]. Unam modò pensitemus Philostrati historiam, ex hâc enim certis rationibus convincemus Apollonium non inter philosophos locum, ac ne inter mediocris quidem ac usitatæ probitatis viros dignum sortiri, nedùm sit ille Salvatori nostro ratione aliquâ conferendus.

(G) Il laissa quelques ouvrages qui ne subsistent plus. ] Il avait écrit quatre livres sur l’Astrologie judiciaire [6], et un Traité sur les Sacrifices [7], pour marquer ce qu’il fallait offrir à chaque divinité. Ce dernier ouvrage devint fort célèbre : Eusèbe le cite [8]. Suidas le marque aussi, et y ajoute un Testament, un Recueil d’Oracles et de Lettres, et la Vie de Pythagore [9]. La Théologie, dont Eusèbe cite un endroit [10], est

  1. August., Epist IV, pag. 23.
  2. Idem, Epistola XLIX, pag. 208.
  3. Eunapius, de Vitis Philosophor., Præf., pag. 11. Je me sers des paroles de M. de Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 220.
  4. Anim. Marcellin., lib. XXII, cap. VI, pag. 370.
  5. Euseb., in Hierocl., pag. 514.
  6. Περὶ μαντείας αςέρων, De Divinatione Astrorum. Philostrat., in Vitâ Apollonii, lib. III, cap. XIII.
  7. Idem, ibid. Vide etiam lib. IV, cap. VI.
  8. Euseb. Præparat. Evangel., lib. IV, cap. XIII, pag. 150.
  9. Suidas, in Ἀπολλώνιος, pag. 376.
  10. Euseb. Demonstr. Evangel., lib. III, cap. III, pag. 105.