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APOLLONIUS.

peut-être la même chose que l’ouvrage sur les Sacrifices. Apollonius avait écrit une infinité de lettres : Philostrate en a inséré dans son histoire quelques-unes, toutes fort courtes. L’Hymne sur la Mémoire n’est pas un ouvrage d’Apollouius, comme M. de Tillemont le prétend. Il cite le chapitre XI du Ier. livre de Philostrate, page 18. Je n’y ai point trouvé cela, mais seulement qu’Apollonius, âgé de cent ans, avait la mémoire meilleure que Simonide ne l’avait eue, et qu’il chantait souvent l’hymne que Simonide avait composée à la louange de la mémoire. Suidas rapporte cela si confusément, qu’il semble dire que ce fut Apollonius qui composa cette pièce. Konig y a été attrapé. Voyez sa Bibliothéque, à la page 49. Le Testament, dont Suidas fait mention, δὶαθήκη, est sans doute le livre que Philostrate a cité dans ces paroles : Καὶ διαθήκαι δὲ τῷ Ἀπολλωνίῳ γεγράϕαται παρ᾽ ὧν ὑπάρχει μαθεῖν ὡς ὑποθειάζων τὴν ϕιλοσοϕίαν ἐγένετο [1] ; c’est-à-dire, selon la version de Vigénère : Apollonius avoit de sa part aussi escrit des mémoires par où l’on pouvoit aisément cognoître combien il estoit curieux, voire presque comme transporté après la philosophie.

(H) On parle d’un autre philosophe nommé Apollonius de Tyane. ] C’est Suidas qui en parle, sur la foi d’Agresphon qui avait écrit un livre touchant les personnes de même nom, περὶ Ὁμωνύμων, de Homonymis. Cela fait souvenir qu’un savant homme, que j’ai cité ci-dessus [2], doute si les anciens ont fait des livres semblables à ceux de Léon Allatius, de Simeonibus, de Psellis, etc. Qu’il n’en doute point ; car outre Agresphon, nous pouvons donner Démetrius Magnès. Quelques savans y veulent joindre Denys de Sinope, et Simaristus ; mais ils se trompent. Voyez la remarque (B) de l’article de ce Démétrius, vers la fin.

(I) Une traduction anglaise de cette Vie... a furieusement scandalisé les bonnes âmes. ] L’auteur de cette version ne l’avait conduite que jusqu’au IIIe. livre exclusivement. S’il n’avait fait que traduire, on n’aurait point eu sujet de se plaindre ; mais il a joint à sa version quantité de notes fort amples qu’il avait tirées pour la plupart des manuscrits du fameux baron Herbert. C’est le nom d’un grand déiste, s’il en faut croire bien des gens. Ceux qui ont lu ces notes m’ont assuré qu’elles sont remplies de venin ; elles ne tendent qu’à ruiner la religion révélée, et à rendre méprisable l’Écriture Sainte. L’auteur ne travaille pas à cela par des raisons proposées gravement et sérieusement, mais presque toujours par des railleries profanes, et par de petites subtilités. C’est donc avec beaucoup de justice et de sagesse que ce livre, qui avait été imprimé à Londres l’an 1680 [3], a été sévèrement défendu. Ce nouveau traducteur de Philostrate était un gentilhomme anglais, nommé Charles Blount [* 1]. Il publia, en 1693, un traité qui a pour titre les Oracles de la Raison, et l’accompagna de quelques autres opuscules de même aloi. Il fit une fin tragique, en la même année. Il était fort amoureux de la veuve de son frère, et prétendait pouvoir l’épouser sans inceste : il avait fait un traité pour le prouver ; mais il ne vit nulle apparence à obtenir le consentement de l’Église. Sur cela, il lui prit une pensée de désespoir, et il se tua lui-même. Voyez l’Histoire des ouvrages des Savans [4]. Au reste, M. de Tillemont, en parlant de ceux qui ont fait la Vie d’Apollonius, s’est arrêté à Philostrate. Allons plus loin. Nicomaque, qui vivait sous l’empire d’Aurélien, fit la Vie d’Apollonius sur celle que Philostrate avait écrite. Tascius Victorianus en fit une autre sur celle que Nicomaque avait composée. Sidonius Apollinaris en fit une autre, et se régla beaucoup plus sur le modèle de Victorianus que sur celui de Nicomaque [5]. Nous lisons dans Suidas que Sotérichus, natif d’Oase en Égypte, avait composé la Vie d’Apollonius.

  1. * Il existe une traduction française faite par Castillion du travail de Blount, 1774. 4 volumes in-12. La préface de cette traduction française est de Frédéric II, roi de Prusse
  1. Philostrat., Vita Apollon., lib. I, cap. III.
  2. M. de Sallo. Voyez la remarque (F) de l’article Allatius, vers le milieu.
  3. Le titre marque l’année 1680. Il faut que le livre soit demeuré caché plusieurs années ; car il n’a été condamné qu’en 1693.
  4. Mois de novembre 1693, pag. 135, 136.
  5. Ex Sidonii Apollinaris Epist. III, lib. VIII.