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APONE.

Cet auteur vivait sous l’empire d’Aurélien. Je ne saurais dire sur quoi Savaron se fonde, lorsqu’il met Plutarque parmi ceux qui ont écrit la Vie de notre Apollonius [1].

(K) Sidonius l’a représenté dans une description, où l’on voit un héros de philosophie aussi grand qu’on en puisse voir. ] Afin que chacun en puisse juger, étalons ici les paroles de Sidonius Apollinaris. Il avait écrit la Vie d’Apollonius, et en l’envoyant à un conseiller d’Évarige, roi des Goths, voici ce qu’il lui dit : Lege virum (fidei catholicæ pace præfatâ) in plurimis similem tuî, id est, à divitibus ambitum, nec divitias ambientem ; cupidum scientiæ, continentem pecuniæ ; inter epulas abstemium, inter purpuratos linteatum, inter alabastra censorium : concretum, hispidum, hirsutum, in medio nationum delibutarum, atque inter satrapas regum tiaratorum myrrhatos, pumicatos, malobatratos, venerabili squalore pretiosum. Cùmque proprio nihil esui aut indutui de pecude conferret, regnis ob hoc, quæ pererravit, non tam suspicioni, quàm fuisse suspectui : et fortunâ regum sibi in omnibus obsecundante, illa tantùm beneficia poscentem, quæ mage sit suetus oblata præstare, quàm sumere [2].

  1. Savaro, in Sidon. Apollinar., pag. 491.
  2. Sidon. Apollinar., Epist. III, lib. VIII, pag. 486.

APONE [a] (Pierre d’), l’un des plus fameux philosophes et médecins de son siècle [* 1], naquit l’an 1250 [b], dans un village qui est situé à quatre milles de Padoue. Il étudia long-temps à Paris, et y fut promu docteur en philosophie et en médecine (A). Je ne sais pas s’il mourut fort riche ; mais j’ai lu qu’il se faisait payer de grosses sommes pour la visite des malades (B). Il fut soupçonné de magie, et poursuivi par l’inquisition sur ce pied-là (C) ; et, s’il eût vécu jusqu’à la fin du procès, il y a beaucoup d’apparence qu’il eût souffert en sa personne ce qu’il ne souffrit qu’en effigie après sa mort. Nous rapporterons [c] ce que ses apologistes observent. Son cadavre, secrètement déterré par ses amis, échappa à la vigilance des inquisiteurs, qui voulaient le faire brûler (D). Il fut transporté en divers lieux, et enfin on le plaça dans l’église de Saint-Augustin, sans épitaphe, et sans nulle marque d’honneur [d]. Les accusateurs de Pierre d’Apone lui attribuent des opinions incompatibles : ils veulent qu’il ait été magicien, et qu’il n’ait point cru qu’il y eût des diables (E). Il eut pour le lait une telle antipathie, qu’il n’en pouvait voir manger sans sentir des maux de cœur [e]. Il mourut l’an 1316, à l’âge de soixante-six ans (F). L’un de ses principaux livres est celui qui lui fit donner le surnom de Conciliator. On fait un conte bien ridicule, c’est que, n’ayant point de puits dans sa maison, il fit porter dans la rue, par les diables, celui de son voisin, quand il eut appris que l’on avait défendu à sa servante de continuer d’y venir chercher de l’eau [f]. Il eût bien mieux

  1. * Pour cet article Joly renvoie aux Mémoires du père Nicéron, comme si ce père relevait beaucoup d’erreurs de Bayle. Nicéron ne reproche à Bayle qu’une faute qu’il n’avait pas faite. Voyez la note sur la remarque (F).
  1. Quelques-uns le nomment Pierre d’Avane.
  2. Jacobus Phillidus Tomasinus, Elog. illustr. Vir, pag. 22.
  3. Dans la remarque (C).
  4. Tomasini Elog. Viror. illustr., pag. 24.
  5. Mercklinus, in Lindenio renovato, pag. 879. Freherus, in Theatro, pag. 1209. Il cite Marcellus Donatus, et Matth. de Gradibus.
  6. Tomazo Garsoni, Piazza universale di tutte le professioni, discorso CXXXV, folio 365, verso.