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ARCÉSILAS.

atque interrogando elicere solebat eorum opiniones, quibuscum disserebat, ut ad ea quæ hi respondissent, si quid videretur, diceret. Qui mos quùm à posterioribus non esset retentus, Arcesilas eum revocavit, instituitque ut hi qui se audire vellent, non de se quærerent, sed ipsi dicerent, quid sentirent. Quod quùm dixissent, ille contrà, sed qui audiebant quoàd poterant, defendebant sententiam suam : apud cæteros autem philosophos qui quæsivit aliquid tacet, quod quidem jam fit etiam in Academiâ [1]. Si ce témoignage ne vous paraît pas assez formel, que direz-vous de celui-ci, où l’on assure que l’académie d’Arcésilas n’était autre que celle de Platon ? Hanc academiam novam appellant, quæ mihi vetus videtur. Siquidem Platonem ex illâ vetere numeramus, cujus in libris nihil affirmatur, et in utramque partem multa disseruntur, de omnibus quæritur, nihil certi dicitur [2]. Je cite ailleurs [3] un autre passage qui n’est pas moins fort que celui-là. Si l’on veut de la bigarrure grecque, j’en donnerai. J’ai lu quelque part qu’Épicure ne voyait point sans chagrin la gloire d’Arcésilas, le plus renommé philosophe de ce temps-là, et qu’il lui reprochait de s’être acquis de l’estime chez les ignorans, sans rien tirer de son fonds : Τοῦ δ᾽ Ἀρκεσιλάου τὸν Ἐπίκουρον οὐ μετρίως ἔοικεν ἡ δόξα παραλυπεῖν, ἐν τοῖς τότε χρόνοις μάλιςα τῶν Φιλοσόϕων ἀγαπηθέντος [4]. Arcesilai autem gloria videretur Epicuro haud mediocrem attulisse ægritudinem, qui inter ejus temporis philosophos maximi fiebat. Il était vrai qu’Arcésilas ne se piquait point d’avoir inventé : il donnait à Socrate, à Platon, à Parménide et à Héraclite, la gloire de l’invention de l’époque, et de l’acatalepsie : Ὀ δ᾽ Ἀρκεσίλαος τοσοῦτον ἀπέδει τοῦ καινοτομίας τινὰ δόξαν ἀγαπᾷν καὶ ὑποποιεῖσθαί τῶν παλαιῶν, ὥςε᾽ ἐγκαλεῖν τοὺς τότε σοϕιςάς, ὅτι προςρίϐεται Σωκράτει καὶ Πλάτωνι καὶ Παρμενίδῃ καὶ Ἡρακλείτῳ τὰ περὶ τῆς ἐποχῆς δόγματα καὶ τῆς ἀκαταληψίας, οὐδὲν δεόμενος, ἀλλὰ οἷον ἀναγωγὴν καὶ βεϐαίωσιν αὐτῶν εἰς ἄνδρας ἐνδόξους ποιούμενος [5]. Sanè Arcesilaus tantùm abfuit ab omni novandi, aut vetera sibi arrogandi studio, ut etiam vitio ei sophistæ ejus ætatis dederint, quòd sententias de cohibendâ assensione, et comprehensionis negatione, Socrati, Platoni, Parmenidi, Heraclito, acceptas ferret : nullâ quidem necessitate, sed tantùm eas viris nobilibus inscribendo confirmans ac commendans. Notez, je vous prie, que de l’aveu même de Diogène, notre Ârcésilas ne fit que rendre plus contentieuse la méthode platonique : ce fut tout le changement qu’il y fit : Πρῶτος τὸν λόγον ἐκίνησε τὸν ὑπὸ Πλάτωνος παραδεδομένον, καὶ ἐποίησε διʼ ἐρωτήσεως καὶ ἀποκρίσεως ἐριςικώτερον [6]. Primus orationis genus quod Plato tradiderat movit, effecitque per interrogationem et responsionem contentiosis. On a pu néanmoins dire qu’il fut le premier perturbateur du repos public des philosophes ; car, outre qu’il ressuscita une mode dont on ne se souvenait guère, il poussa le principe de Socrate avec plus d’ardeur qu’on n’avait fait auparavant, et il se montra plus vif, plus opiniâtre, plus inquiet que les premiers inventeurs. Voilà pourquoi l’on a dit de lui ce que je m’en vais écrire : Nonne jam quùm philosophorum discipline gravissimæ constitissent, tum ut exortus est in optimâ Republicâ Tiberius Gracchus, qui otium perturbaret, sic Arcesilas, qui constitutam philosophiam everteret, et in eorum autoritate delitesceret qui negavissent quicquam sciri, aut percipi posse [7] ?

On a cherché la raison de la conduite d’Arcésilas, et l’on a cru la trouver dans l’émulation ardente qui s’éleva entre lui et Zénon son condisciple. Ils avaient été tous deux écoliers de Polémon [8], et ils se piquèrent de se surpasser l’un l’autre [9]. Or Zénon prit le parti des dogmatiques : il donna des définitions et des axiomes qu’Arcésilas combattit vigoureusement ; et, afin d’y mieux réussir, il fut bien aise de ren-

  1. Idem, de Finibus, lib. II, C. I.
  2. Idem, Academ. Quæstion., lib. I, C. ult.
  3. Dans la remarque (B) de l’article Carnéade, citation (6). Ce passage est du Ier. liv. de Cicéron, de Naturâ Deorum, chap. V.
  4. Plutarch, adv. Colotem, pag. 1121, E.
  5. Idem, ibid.
  6. Diog. Laërt., lib. IV, num. 28.
  7. Cicero, Academ. Quæstion., lib. II, cap. V.
  8. Idem, ibid., lib. I, cap. IX. Numenius apud Euseb. Præp. Evangel., lib. XIV, cap. VI, pag. 729, 731.
  9. Numenius, apud eumdem, ibid.