Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
263
ARCHÉLAÜS.

laissât la gloire de donner de son propre mouvement [1].

(F) On ne s’accorde pas sur les circonstances de sa mort, ni sur la durée de son règne. ] Les uns disent qu’étant à la chasse il fut blessé par Cratérus son favori, et qu’il mourut de cette blessure ; et ils ajoutent que Cratérus fit cela innocemment, et par mégarde [2]. Les autres disent qu’il fut tué par des conjurés que Decamnichus poussa à ce parricide [3]. Quinte-Curce favorise cette dernière opinion. Quis proavum hujus Alexandrum, dit-il [4], quis deindè Archelaüm, quis Perdiccam, occisos ultus est ? J’en dirai davantage dans la remarque suivante. Quant à la durée de son règne, quelques-uns la font de vingt-quatre ans [5], d’autres de seize [6] d’autres de quatorze [7], et d’autres de sept [8]. Ce dernier sentiment me paraît être le bon : c’est celui de Diodore de Sicile ; et je m’étonne que Calvisius cite cet historien, après avoir dit qu’Archélaüs régna seize ans [9]. Un passage d’Athénée mal entendu a causé cent brouilleries. Nous lisons dans les éditions de cet auteur, que Périclés et Perdiccas moururent la 3e. année de la guerre du Péloponnèse, et qu’aussitôt Archélaüs monta sur le trône [10]. Il est impossible qu’Athénée ait dit cela ; car son but est de convaincre Platon d’avoir commis une bévue ; Platon, dis-je, qui, dans le même dialogue où il suppose qu’Archélaüs règne, assure qu’il n’y avait que fort peu de temps que Périclès était mort. Il est clair que son censeur se rend ridicule, et qu’il ne sait ce qu’il dit, s’il avance ce que nous lisons dans ses livres imprimés. Casaubon n’a nullement tort de trouver étrange que ceux qui ont traduit Athénée, ne se soient pas aperçus d’une absurdité si visible, et qu’ils aient eu un estomac à digérer un si dur morceau : Cum hæc clarissimè disputentur ab Athenæo, quis interpretum stomacho non invideat qui vulgatam loci hujus scripturam adeò εὐςομάχως tulerint [11] ? Pour lui il s’en reconnaît incapable ; et, malgré tous les manuscrits, il soutient que les copistes d’Athénée ont oublié là une période. Il me semble qu’il devine très-heureusement ce que l’auteur avait dit. C’est qu’Alexandre, roi de Macédoine, qui mourut au même temps que Périclès, eût pour successeur Perdiccas, qui régna jusqu’à l’archontat de Callias, et que Perdiccas étant mort sous cet archonte, son trône fut occupé par Archélaüs. En ce cas-là, Athénée ne critique point sans quelque apparence le discours de Platon ; car il y a un intervalle considérable entre la mort de Périclès et le règne d’Archélaüs. Notez, en passant, que Casaubon a répondu à cette censure [12] ; mais surtout prenez bien garde que Diodore de Sicile, donnant sept années de règne à Archélaüs, met sa mort sous l’archontat d’Aristocrate, la 2e. année de la 95e. olympiade. Son règne commença donc la 3e. année de l’olympiade 93, sous l’archonte Callias. Il faut donc dire que Perdiccas mourut sous le même archonte. Or parmi les diverses opinions qui avaient couru sur la durée du règne de ce Perdiccas, celle de Marsyas et de Philocorus, qui la fixèrent à vingt-trois ans, fut choisie par Athénée en raisonnant contre Platon : il faut donc qu’il ait établi que ce Perdiccas monta sur le trône la même année que Périclès décéda, c’est-à-dire l’an 4 de la 87e. olympiade. Tout cela confirme avec tant de force le sentiment de Casaubon, qu’au lieu de dire que sa conjecture est vraisemblable, l’on doit assurer sans aucune hésitation, que la période qu’il restitue avait coulé effectivement de la plume d’Athénée : et comme elle contient deux ou trois fois les mêmes paroles à la fin d’un sens complet,

  1. Pellisson, Hist. de l’Académie Franç., pag. 278.
  2. Diod. Siculus, lib. XI, c. XXXVIII. Je citerai ses paroles dans la dernière remarque.
  3. Arist., de Repub., lib. V, cap. X. J’ai cité ses paroles dans la remarque (N) de l’article d’Euripide.
  4. Quint. Curtius, lib. VI, cap. XI.
  5. Euseb., in Chron., num. 1585. Helvicus embrasse cette opinion.
  6. Calvisius, ad ann. mundi 3534.
  7. Petav. Rationar. Tempor., part. II, lib. II, sub fin. ex Dexippo.
  8. Diod. Sicul., lib. XIV, c. XXXVIII.
  9. Calvis., ad annum mundi 3550, pag. 156, col. 2.
  10. Athen., lib. V, cap. XVIII, pag. 217, E.
  11. Casaubon., in Athen., pag. 384.
  12. Idem, ibid., pag. 385.