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ARCHÉLAÜS.

contre les troupes de Gabinius, l’an de Rome 608. ] Ceci ne s’accorde point avec le XVIIe. livre de Strabon, où on lit que Ptolomée, ayant été rétabli dans son royaume, fit mourir sa fille, et son gendre Archélaüs. Je ferai voir, dans l’article de Bérénice, que Strabon s’est trompé là, et qu’il s’est même contredit. Comptez à coup sûr pour une faute de Moréri ces paroles : Ptolomée, ayant été rétabli en 699, fit mourir Archélaüs et Bérénice.

(C) Il obtint de Pompée une dignité fort honorable. ] Le père Noris prétend que le pontife de Comane était souverain du lieu. Hunc Archelaum, dit-il [1], Pompeius sacerdotem Bellonæ ac Comanorum principem (utraque enim dignitas unà eidemque conferebatur) constituerat, cuivis Dynastæ parem opibus, ex Appiano in Mithridat, pag. 252. Nous examinerons en un autre lieu [2] s’il a raison.

(D) César ôta cette dignité au fils d’Archélaüs, pour la donner à un autre. ] Hirtius raconte que César disposa de ce bénéfice en faveur de Nicomèdes qui alléguait de fort justes prétentions : Id homini nobilissimo Nicomedi Bithynio adjudicavit, qui regio Cappadocum genere ortus, propter adversam fortunam majorum suorum mutationemque generis jure minimè dubio, vetustate tamen intermisso, sacerdotium id repetebat [3]. Le père Noris assure que César conféra cette dignité à Lycomèdes, après avoir vaincu Pharnaces ; mais tous ceux qui consulteront Hirtius verront aisément que ce fut avant le combat. Quant au nom de Lycomèdes, on le voit dans les éditions de Strabon [4]. Il est certain aussi que l’on voit dans Dion un Lycomède dépouillé de ses états par Auguste, après la fuite de Marc Antoine [5], et qu’il pourrait bien être celui que César éleva au pontificat de Comane ; car il régnait dans une partie de la Cappadoce. On en fera ce qu’on voudra. L’épithète de Bithynien, dont Hirtius s’est servi, favorise plus la leçon de Nicomèdes [6] que celle de Lycomèdes.

(E) Il établit sa résidence dans l’île d’Eleuse. ] C’est ce que Strabon et Josephe nous apprennent : Post Corycum Eleusa insula est continenti propinqua. Eam Archelaüs condidit ac regiam sibi fecit, cùm totam asperam Ciliciam, exceptâ Seleuciâ, esset nactus [7]. Josephe remarque qu’Hérode, ayant abordé à Éleuse dans la Cilicie, y trouva Archelaüs, roi de Cappadoce [8]. C’est là que les envoyés d’Hérode eurent ordre de porter la lettre qu’il écrivait à Archélaüs [9]. Cet historien observe qu’Éleuse s’appelait Sebaste [10]. Ne serait-ce point Archélaüs qui, pour faire sa cour à Auguste, aurait fait ce changement de nom ?

(F) Il eut sans doute l’administration du royaume de Pont. ] Le père Noris l’affirme rondement et absolument [11] : j’ai mieux aimé employer une expression qui signifiât, non pas qu’on trouve ce fait dans les anciens livres ; mais qu’on le doit juger très-conforme aux apparences. Ce qui m’a porté à me servir de ce petit ménagement est de voir que Strabon ne dit autre chose, si ce n’est que Pythodoris demeura avec son mari Archélaüs pendant qu’il vécut : Αὐτὴ δὲ συνῴκησεν Ἀρχελάῳ, καὶ συνέμεινεν ἐκείνῳ μέχρι τέλους [12]. Ipsi Archelao nupsit, et cum eo dum is in vivis permansit vitam exegit. Elle savait commander : il ne serait donc pas impossible qu’elle eût voulu gouverner seule les états de ses enfans : Γυνὴ σώϕρων καὶ δυνατὴ προί̈ςασθαι πραγμάτων [13], prudens mulier et prœesse rebus gnara.

(G) Ses soins pour C. César lui devinrent très-funestes dans la suite. ] J’ai déjà remarqué plus d’une fois que tel qu’on méprise est destiné par la Providence à une haute fortune [14] : malheur alors à ceux qui l’ont méprisé. Peu de gens sont aussi équitables que Louis XII, qui disait qu’un

  1. Noris, Cenotaph. Pisana, pag. 255.
  2. Dans l’article Comane.
  3. Hirtius, de Bello Alexandrino, pag. 416.
  4. Lib. XII, pag. 384.
  5. Dio, lib. LI, init.
  6. C’est celle des éditions d’Appien in Mithridat., sub fin.
  7. Strabo, lib. XIV, pag. 461.
  8. Joseph., Antiquit., lib. XVI, cap. VIII.
  9. Idem, ibidem, cap. XVI.
  10. Idem, ibidem, cap. VIII.
  11. Noris, Cenotaph. Pisana, pag. 227. Il ne cite personne.
  12. Strabo, lib. XII, pag. 383.
  13. Idem, ibidem, pag. 382.
  14. Voyez la fin du texte et la remarque (B) de l’article d’Apollodore l’architecte.