le prépara à cette éloquence sublime et victorieuse, qui le rendit si puissant [a], et il lui apprit à craindre les dieux sans superstition [b]. Joignez à cela que ses conseils l’aidèrent beaucoup à soutenir le pesant fardeau du gouvernement [c]. Il se signala par la nouveauté et par la singularité de ses dogmes. Il enseigna qu’il y avait des collines, et des vallées, et des habitans dans la lune, et que le soleil était une masse de matière tout-à-fait en feu (B), et plus grande que le Péloponnèse [d]. Il disait que la neige est noire [e], et il en donnait une raison peu solide ; car il se fondait d’un côté sur ce que la neige est une eau condensée, et il supposait de l’autre que le noir est la couleur propre de l’eau [f]. Il croyait en général que les yeux ne sont point capables de discerner la vraie couleur des objets et que nos sens sont trompeurs ; et qu’ainsi c’est à la raison, et non pas à eux, à juger des choses [g]. Il disait aussi que les cieux étaient de pierre [h], et que c’était la vitesse de leur mouvement qui les empêchait de tomber [i]. D’autres assurent qu’il avouait que le ciel est de nature de feu quant à son essence, mais que par la véhémence de sa révolution ravissant des pierres de la terre, et les ayant allumées, elles devinrent astres [j] ; et qu’au commencement les animaux furent formés de la terre, et d’une humidité chaude [k] ; et qu’ensuite ils s’engendrèrent les uns les autres, les mâles au côté droit, et les femelles au côté gauche [l]. Il admettait autant de sortes de principes que de corps composés ; car il supposait que chaque espèce de corps était formée de plusieurs petites parties semblables, qu’il appelait homœoméries, à cause de cette conformité. Mais cela l’engageait à convenir d’une chose qui embarrassait son système [m], c’est que les semences, ou les principes de toutes les espèces, se trouvaient dans chaque corps. M. Moréri a très-mal représenté ce sentiment (C). Lucrèce l’avait néanmoins très-bien exposé, et assez solidement réfuté. Cela nous donnera lieu de proposer quelques réflexions sur cette doctrine. Ce qu’il y avait de plus beau dans le système d’Anaxagoras était qu’au lieu que jusques alors on avait raisonné sur la construction du monde, en n’admettant d’un côté qu’une matière très-informe, et de l’autre que le hasard, ou qu’une fatalité aveugle, qui l’eût arrangée ; il fut le premier qui supposa qu’une intelligence produisit le mouvement de la matière, et débrouilla le chaos (D).
- ↑ Voyez la remarque (E) de l’article de Périclès, à la fin.
- ↑ Voyez les remarques (A) et (B) de l’article Périclès.
- ↑ Voyez la citation (19).
- ↑ Diog. Laërtius, libr. II, num. 8.
- ↑ Cicero, Academ. Quæstion., libr. II, cap. XXIII et XXXI. Lactant., libr. V, cap. III.
- ↑ Sextus Empiricus, Pyrrhon, Hypotipos., libr. I, cap. XIII.
- ↑ Idem., adv. Mathem., libr. VII, p. 153.
- ↑ Voyez la remarque (I) au commencement.
- ↑ Diog. Laërt., libr. II, num. 12.
- ↑ Plut. de Placitis Philosoph., libr. II, cap. XIII. Je me sers de la version d’Amiot.
- ↑ Diog. Laërt., libr. II, num. 12.
- ↑ Id. ibid., num. 9.
- ↑ Voyez la remarque (G).