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ARISTÉE.

Virgile, que la peine qu’il s’était donnée pour perfectionner l’agriculture, et pour nourrir le bétail, lui avait acquis toute la gloire qu’il possédait.

En etiam hunc ipsum vitæ mortalis honorem,
Quem mihi vix frugum et pecudum custodia sollers
Omnia tentanti extuderat, te matre, relinquo [1].

Il est l’une des divinités que Virgile invoque ayant à écrire de l’agriculture :

Et cultor nemorum, cui pinguia Ceæ
Ter centum nivei tondent dumeta juvenci [2].

Oppien [3], Nonnus [4], le scoliaste de Pindare, celui d’Apollonius, etc., s’accordent à le faire l’inventeur des choses que j’ai marquées. On verra ci-dessous quelques passages sur ce sujet. En voici un où on lui donne pour patrie la ville d’Athènes. Oleum et trapetas Aristæus Atheniensis. Idem mella [5]. Le mot trapetes veut dire les meules à broyer les olives [6]. N’oublions pas qu’il inventa le benjoin. C’est ce qu’assure un ancien auteur cité par le scoliaste d’Aristophane [7], comme vous le pourrez voir à la page 356 du commentaire de Saumaise sur Solin.

Notez que Justin [8] débite que Cyrène engrossée par Apollon, à Deo repleta, eut quatre fils, Nomius, Aristæus, Authocus, et Argæus [9]. C’est avoir changé en deux hommes les deux surnoms d’Aristée [10].

(C) Il se transporta dans l’île de Céa. ] Le grec de Diodore de Sicile porte εὶς Κῶ νῆσον, et un peu après ἐν τῇ Κῷ. Rhodoman traduit in Co insulam, et in Co. Cette traduction embarrasse les lecteurs, car elle les porte à croire que cet historien grec parle là de l’île de Cos, la patrie du grand Hippocrate, et non pas de l’île de Céa, comme font les autres auteurs, quand il s’agit d’Aristée. Soyons néanmoins assurés qu’il parle de l’île de Céa, soit qu’il faille corriger le texte en mettant Κέω au lieu de Κῶ [11] [* 1], soit que les règles de la contraction aient pu permettre qu’on dît indifféremment Κῶ ou Κέω, quand il s’agissait de cette île [12]. Prenons garde à ces paroles de Diodore, παρὰ τῶν Κείων τιμαῖς, de honoribus apud Ceos [13]. Elles montrent visiblement qu’il ne prétend point parler de l’île de Cos. Quoi qu’il en soit, alléguons quelques auteurs qui ont assuré qu’Aristée s’établit dans l’île de Céa, et commençons par le commentaire de Servius sur ces paroles de Virgile :

Et cultor nemorum, cui pinguia Ceæ, etc.


qu’on a vues ci-dessus [14]. Aristæum invocat, id est Apollinis et Cyrenes filium,.… hic (ut etiam Sallustius docet) post laniatum à canibus Actæonem filium Thebas reliquit, et Ceam insulam tenuit primò adhùc hominibus vacuam [15]. Apollonius nous apprend qu’Aristée ayant été appelé par les habitans des îles Cyclades, pour faire cesser la peste, passa de Thessalie en l’île de Céa.

....Λίπεν δ᾽ ὅγε πατρὸς ἐϕετμῇ
Φθίην. ἐν δὲ Κέῳ κατενάσσατο λαὸν ἀγείρας
Παρράσιον, [16].

Is relictâ ex parentis jussu
Phthiâ in Ceum ivit habitatum, contracto exercitu
E Parrhasiis.

Le scoliaste de ce poëte assure, comme je l’ai déjà dit, que ce fut dans la même île qu’Aristée enseigna à faire le miel et l’huile. Ἀριςαῖος δὲ ἐν τῆ Κέῳ εὑρὼν τὰ μελισσουργικὰ πρῶτος, καὶ τὴν τοῦ ἐλαίου κατεργασίαν [17]. Nous verrons dans la remarque (F), qu’il y établit des lois pour le culte de la Canicule. Varron Atacinus avait raconté dans son poëme des Argonautes,

  1. * Wesselingue, dans son excellente édition de Diodore de Sicile, (Amstelod., 1745), a adopté l’opinion de Bayle et a écrit Κέω, au lieu de Κῶ.
  1. Virgil., Georgic., lib. IV, vs. 326.
  2. Idem, ibidem, lib. I, vs. 14.
  3. Oppian. Cyneg., lib. IV.
  4. Nonnus, Dionys., lib. V.
  5. Plin., lib. VII, cap. LVI, pag. 99.
  6. Varro, de Linguâ lat., lib. IV, pag. 34.
  7. Ἀριςαῖος..... πρῶτον τὴν ἐργασίαν τοῦ σιλϕίου ἐξεῦρεν ὥσπερ καὶ τοὺ μέλιτος.
  8. Lib. XIII, cap. VII.
  9. Il faut lire Agræus.
  10. Voyez Vossius, de Theolog. Gentili, lib. VII, cap. X, pag. 350.
  11. C’est la pensée de Vossius, de Theolog Gentili, lib. VII, cap. X, pag. 350.
  12. C’est la prétention de Saumaise sur Solin, pag. 144, 145.
  13. Et non pas apud Coos, comme Rhodoman a traduit.
  14. Citation (27).
  15. Servius, in Georgic., lib. I, vs. 14.
  16. Apollon., Argon., lib. II, vs. 521.
  17. Schol. Apollon., in lib. II, vs. 500.