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ARIUS.

que l’on ne s’était point servi de lois pénales contre cette secte (G). Une autre chose qu’il a débitée, ne l’a pas médiocrement embarrassé ; car on s’est extrêmement prévalu de ce qu’il a dit touchant la croyance des pères qui ont précédé l’arianisme (H). Cette secte a été tour à tour persécutrice et persécutée (I) ; et enfin elle a péri par la voie de l’autorité (K). Je ne vois presque point d’auteur qui ne fasse un crime à Arius d’avoir mis en vers ses sentimens, pour les faire chanter à ses disciples. On condamne et la matière et la forme du poëme, qu’il avait intitulé Thalie (L). Il pourrait bien y avoir du préjugé dans tout cela. Un auteur moderne, qui était du sentiment de cet hérétique, a écrit quelques ouvrages pour montrer que les pères des trois premiers siècles avaient eu la même opinion (M). Il n’eut pas beaucoup de peine à compiler des passages, car il les trouva tout assemblés dans les Dogmata theologica du père Pétau. Deux théologiens anglais [a] et un français [b] ont fait contre lui l’apologie des anciens pères.

  1. Gardiner et Bullus.
  2. M. le Moyne, professeur à Leyde.

(A) Constantin voulut que tous les livres d’Arius fussent brûlés, et que qui aurait la hardiesse de les garder fût puni du dernier supplice. ] Socrate rapporte la lettre où Constantin ordonna que tous ceux qui trouveraient un livre composé par Arius et ne le brûleraient pas fussent punis de mort sans rémission, dès aussitôt qu’ils seraient surpris dans cette faute. Ἐκεῖνο μέντοι προαγορεύω, ὡς εἴ τις σύγγραμμα ὑπὸ Ἀρείου συνταγὲν ϕωραθείη κρύψας, καὶ μὴ εὐθέως προσενεγκὼν πυρὶ καταναλώσῃ, τούτῳ θάνατος ἔςανι ἡ ζημία. παραχρῆμα γὰρ ἁλοὺς ἐπὶ τούτῳ, κεϕαλικὴν ὑποςήσεται τιμωρίαν [1]. Illud etiam denuntio, quod si quis librum ab Ario compositum occultâsse deprehensus sit, nec eum statìm oblatum igne combusserit, mortis pœnam subibit. Je ne me souviens point d’avoir lu aucun auteur qui ait remarqué l’étrange et surprenante disparate de Constantin. Il se contenta de bannir l’hérésiarque : il n’ordonna point la peine de mort contre ceux qui suivraient l’arianisme, et il l’ordonna contre ceux qui cacheraient quelque ouvrage d’Arius. Qui vit jamais une plus énorme disproportion entre les peines et les fautes ? Ne peut-on pas être très-orthodoxe et curieux de savoir ce que disent les hérétiques, et de garder les livres rares, comme le deviennent ordinairement ceux que l’on condamne au feu ? S’il fût donc arrivé à un orthodoxe de garder quelque livre d’Arius, par un principe comme celui-là, on l’aurait pendu sur-le-champ, et l’on aurait laissé vivre un homme qui aurait fait profession de l’arianisme. Quoi de plus bizarre, pour ne pas dire qu’il y a contradiction à laisser vivre les hérétiques, et à leur défendre, sous peine de mort, de garder les livres de leur fondateur ? Ou peut ajouter ceci. Arius et quelques évêques, ses adhérens, furent bannis : leur conversation était encore plus dangereuse que la lecture de leurs livres. D’où vient donc que l’on ne menaça point du dernier supplice tous ceux qui fréquenteraient ces exilés ?

(B) Quelques-uns prétendent qu’Arius.... évita la peine du bannissement. ] Baronius affirme, sur la foi de saint Jérôme, qu’Arius fit semblant de se repentir, et qu’ayant souscrit au concile de Nicée il fut reçu à la paix de l’église par ce concile, et ne fut point exilé. On ne peut nier que saint Jérôme ne dise qu’Arius fit sa paix avec le concile de Nicée [2] ; mais on doit ajouter incomparablement plus de foi à la lettre de ce concile qu’au sentiment d’un particulier qui a vécu depuis ce temps-là. On expose dans cette lettre comment les opinions d’Arius avaient été exami-

  1. Socrat., Histor. Eccles., lib. I, cap. IX, pag. 32.
  2. Hieron., in Dialogo contrà Luciferianos.