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ARIUS.

nées et condamnées ; mais pour ce qui avait été fait contre sa personne, et ce qu’il était devenu, on se dispense d’en parler, afin de ne point paraître avoir envie d’insulter à sa disgrâce. Parlerait-on ainsi d’un homme à la rétractation duquel on aurait acquiescé ? Le docte Henri de Valois, raisonnant sur cette lettre du concile, loue la modération de la compagnie, sur ce qu’elle n’avait point nommément frappé de ses anathèmes la personne d’Arius, mais en général ceux qui enseigneraient telles et telles hérésies, et sur ce qu’au lieu de solliciter l’empereur à bannir les hérétiques, elle témoignait être fâchée de leur exil [1].

(C) D’autres soutiennent qu’il fut exilé. ] Sozomène est un de ceux-là, puisqu’il assure qu’Arius fut rappelé peu après la tenue du concile. Οὐ πολλῷ δε ὕςερον τῆς ἐν Νικαία Συνόδου, Ἄρειος ἐπὶ τὴν ἐξορίαν ἀπαγόμενος, ἀνεκλήθη [2]. Non multò post Synodum Nicænam Arius ab exilio revocatus est. La soumission des deux évêques qui furent exclus de leurs églises, et envoyés en exil, fournit une preuve du bannissement d’Arius. Je parle d’Eusèbe et de Théognis. Ces deux prélats furent exilés par Constantin, trois mois après la clôture du concile, comme nous l’apprend Philostorgius [3], Ils obtinrent leur rappel trois ans après le concile, comme le même Philostorgius l’assure. Or ils l’obtinrent en se soumettant aux décisions par un écrit qu’ils envoyèrent aux évêques, dans lequel ils remarquent, que celui qui était le chef de ces disputes avait été rappelé de son exil, et qu’il serait absurde, qu’après la réconciliation de celui-là ils ne fissent point paraître leur innocence [4]. Voilà donc deux faits prouvés, l’un qu’Arius fut exilé, l’autre qu’il fit la paix avec les évêques, et qu’il obtint son rappel avant qu’Eusèbe et Théognis obtinssent le leur. Ils l’obtinrent en 328, selon Philostorgius, dont l’opinion s’accorde fort bien avec l’histoire de ce temps-là : il est donc faux qu’Arius n’ait obtenu son rappel qu’en 335.

(D) ... que l’empereur ne le rappela qu’au bout de dix ans. ] Le père Maimbourg a suivi cette fausse chronologie. On vient de voir la preuve de son erreur.

(E) .... et qu’il mourut l’an 336. De fort savans hommes rejettent cette chronologie. ] Henri de Valois prouve qu’Arius n’était point en vie au temps du synode de Jérusalem, qui reçut des lettres de Constantin touchant la réconciliation de quelques principaux membres de l’arianisme : Arius hæresiarches diù ante synodum Hierosolymitanam è vivis excesserat, ut certissimis argumentis probavi in libro secundo Observationum Ecclesiasticarum, capite II [5]. Ce n’est donc point Arius l’hérésiarque qui fut recommandé à ce concile par Constantin, et qui trouva si favorables les évêques assemblés à Jérusalem. Cependant Socrate dit en propres termes que le concile, transféré de Tyr à Jérusalem pour la dédicace du temple, reçut à la communion de l’Église Arius et ses adhérens, en vertu des lettres de Constantin, qui témoignaient qu’il était persuadé de l’orthodoxie d’Arius, et de celle d’Euzoius : Ἄρειον μὲν καὶ τοὺς περὶ αὐτὸν ἐδέξαντο τοῖς βασιλέως γράμμασι πειθαρχεῖν λέγοντες͵ δι᾽ ὧν δεδηλώκει αὐτοῖς πεπεῖσθαι περὶ τῆς πίςεως Ἀρείου καὶ Εὐζωΐου [6]. Arium quidem unà cum sociis in communionem recipiunt, obtemperare se dicentes imperatoris litteris, quibus certiores ipsos fecerat fidem se Arii et Euzoii penitùs perspectam habere. Constantin avait envoyé aux évêques assemblés à Jérusalem la profession de foi qu’Arius et Euzoius lui présentèrent [7], et saint Athanase dit formellement que le synode de Jérusalem reçut à sa communion Arius et ses fauteurs : Γράϕοντες δε͂ιν δεχθῆναι Ἄρειον καὶ τοὺς σὺν αὐτῷ [8] :

  1. Valesius, in Sozomenum, lib. II, cap. XVI, pag. 108.
  2. Sozom., lib. II, cap. XVI, M. de Valois observe que, selon la force de ces mots ἐπι τὴν ἐξορίαν, il faut entendre qu’Arius fut rappelé pendant qu’il allait au lieu du bannissement.
  3. Apud Valesiun, in Histor. Ecclesiast. Socrat., lib. I, cap. XIV, pag. 10.
  4. Sozomen., lib. II, cap. XVI,
  5. Valesii Notæ in Socrat., lib. I, cap. XXXIII.
  6. Socrat. Histor. Ecclesiastic. lib. I, cap. XXXIII.
  7. Elle est tout du long dans Sozomène, au livre II, chap. XXVII.
  8. Athanas., in libro de Synodis, apud Valesium ïa Socrat., lib. I, cap. XXXIII, pag. 16.