Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
ARIUS.

scribentes suscipiendos esse Arium et socios. M. de Valois lève la difficulté en disant qu’il y a deux Arius : l’un était l’hérésiarque, l’autre sectateur de l’hérésiarque : ils avaient été excommuniés tous deux par Alexandre, évêque d’Alexandrie. Celui qui présenta à Constantin une profession de foi conjointement avec Euzoius, et qui fut réconcilié par le synode de Jérusalem, n’était pas l’hérésiarque, c’était l’autre Arius. M. de Valois le prouve, non-seulement par des raisons qu’il a alléguées pour montrer que l’hérésiarque était mort long-temps avant l’année 335 ; mais aussi par la requête d’Eusèbe et de Théognis. Ces deux évêques demandèrent grâce, en protestant de leur innocence, l’an 328, et alléguèrent que le chef et l’auteur de ces controverses avait été réconcilié et rétabli. C’est ce qu’on ne pouvait pas dire de cet Arius qui fut réuni à l’Église dans le synode de Jérusalem ; car la requête, ou la profession de foi que lui et Euzoius présentèrent à Constantin un peu avant ce synode, c’est-à-dire environ l’an 335, témoigne qu’ils étaient encore dans l’exil et dans l’excommunication. Cette mort subite d’Arius, où les orthodoxes ont trouvé tant de mystères, arriva après le concile de Jérusalem. Il faut donc que l’Arius qui mourut de cette manière ne fût point l’hérésiarque, et que l’on ait transporté en un temps ce qui était arrivé dans une autre conjoncture. Il est étrange qu’il y ait si peu d’ordre et si peu d’exactitude dans l’Histoire Ecclésiastique : on ne saurait avérer l’exil d’Arius, la durée de cet exil, et choses semblables, qu’en raisonnant sur divers faits, dont les uns sont attestés par celui-ci, les autres par celui-là. Un bon historien, quand tous les autres seraient perdus, suffirait à donner la suite des événemens principaux.

(F) La secte d’Arius..… a subsisté long-temps.….. un ministre, qui passe pour fort habile, a ignoré un fait si notoire. ] Voici ce qu’il dit : Je suis même persuadé que l’arianisme n’a jamais fait un grand corps dans le monde. Il est vrai qu’il y a eu beaucoup d’évêques qui en ont fait profession ; mais cette hérésie ne passait point au peuple [1]. Ce qu’il dit ailleurs est beaucoup plus fort, car il assure que l’arianisme ne fit que passer comme un torrent. On ne peut pas dire, pour l’excuser, que c’est une de ces faussetés que l’on avance par surprise, et faute d’attention : il a donné ce fait comme une remarque essentielle et fondamentale à son système. Son opinion est, d’un côté, que les hérésies contre le mystère de la Trinité sont fondamentales et mortelles, et de l’autre, que Dieu n’a point souffert que les sectes qui étaient tombées dans cette sorte d’hérésie durassent long-temps, et fissent figure dans le monde. Dieu ne saurait permettre, dit-il [2], que de grandes sociétés chrétiennes se trouvent engagées dans des erreurs mortelles, et qu’elles y persévèrent long-temps : au moins, à juger des choses par l’expérience, nous ne devons pas croire que cela soit possible, puisque cela n’est pas arrivé. M. Nicolle est le premier qui lui ait donné des leçons sur les paroles de la page 149 : il le fit sans aigreur ni insulte, et en ces termes : « Ce que dit M. Jurieu est très-véritable, étant entendu du grand feu de l’arianisme, qui passa comme un éclair ; mais il serait moins exact pour les temps qui ont suivi celui-là. Quoique l’Église eût repris tout son éclat dans la plus grande partie du monde, il y avait néanmoins des corps considérables, comme les Vandales en Afrique, les Goths en Asie, en Italie, dans une partie de la France, et en Espagne, qui faisaient très-nettement profession de l’arianisme, et où les choses étaient assez éclaircies pour que le peuple y prît parti [3]. » M. Pellisson vint à la charge quelque temps après, et voici comment : « Ces ariens l’importunaient néanmoins aussi-bien que les phanatiques d’aujourd’hui, les sociniens, et ceux qu’il nomme photiniens de Pologne et de Transilvanie. Un reste de pudeur l’empêchait de s’associer avec eux dans une même égli-

  1. Jurieu, vrai Système de l’Église, pag. 149.
  2. Idem, ibid., pag. 236.
  3. Nicolle, pag. 15 et 16, de la préface de l’Unité de l’Église.